
Si la gamme Ferrari contemporaine, bien plus étendue qu’elle ne l’était il y a trente ou quarante ans, est en mesure de répondre à des attentes très diversifiées, il lui manquait sans doute une proposition demeurée longtemps inédite à Maranello : celle du coupé 2+2 à moteur V8 situé à l’avant. De la sorte, à partir de 2020 Ferrari a pu, avec la Roma – qui vient d’évoluer pour se voir rebaptiser Amalfi – rivaliser avec les Jaguar F-Type, Aston Martin Vantage ou Maserati GranTurismo sur le segment des GT à moteur huit-cylindres. Et, loin des approximations du passé, c’est peu dire que le Cavallino n’a pas raté son coup !

Une héritière pour la Mondial
Au demeurant, la combinaison quatre places + V8 n’est pas nouvelle chez Ferrari ; de 1973 à 1993, la Dino 308 GT4 puis la Mondial ont ainsi tenté l’aventure, rendue à l’époque particulièrement ardue à mettre en œuvre par l’implantation de la mécanique, alors positionnée juste derrière les deux sièges supplémentaires censés justifier la nature « familiale » de l’objet. L’honnêteté commande d’écrire qu’il valait mieux ne pas avoir de trop grandes jambes pour y voyager dans de bonnes conditions, mais deux enfants pouvaient aisément y trouver place. Ces berlinettes 2+2 n’ont cependant jamais réellement convaincu, essentiellement en raison d’un design dont leur architecture inusitée compromettait l’équilibre ; et, quand la Mondial disparut, Ferrari ne jugea pas utile de lui donner une descendance, laissant aux grands coupés à moteur V12 le soin de satisfaire les clients ne pouvant se contenter des habitacles biplace qui, de tout temps, ont constitué l’ordinaire de la firme.
Des Ferrari pour tous les jours
S’ensuivit un hiatus de vingt-sept ans durant lesquels, principalement sous la férule de l’incomparable Luca di Montezemolo, Ferrari connut une profonde et salutaire mutation. Pour reprendre l’expression de ce dirigeant d’exception, c’en était fini des Ferrari fragiles, mal finies et capricieuses « que l’on n’utilise que pour aller chercher le pain le dimanche matin » ; la marque avait désormais pour ambition de proposer à ses clients des automobiles réellement utilisables et aussi polyvalentes qu’une Porsche. L’expansion sans précédent des ventes (passées de moins de quatre mille unités dans les années 1990 à plus de 10 000 en 2019) a ratifié la pertinence de cette stratégie, laquelle s’est, en parallèle, appuyée sur un élargissement progressif du catalogue. En 2008, l’on a ainsi vu apparaître la California, un coupé-cabriolet 2+2 animé par un V8 situé en position centrale avant auquel certains ont reproché une poupe épaissie par l’encombrant toit en dur et son mécanisme de rétractation. Au fil de l’évolution du modèle, devenu Portofino en 2017, les stylistes se sont efforcés d’affiner la physionomie de l’auto, avant que celle-ci ne finisse par donner naissance à une Roma chargée de renouveler le concept.

Le sharknose, version Maranello
Dévoilée à l’automne 2019, la Roma se présente initialement sous la forme d’un coupé dont le design diverge résolument des choix retenus pour la Portofino, qui lui a légué son V8 biturbo développant ici 620 ch. Aux formes rondouillardes et aux courbes sensuelles d’icelle, la nouvelle venue préfère un style plus acéré que de mauvaises langues n’hésiteront pas à comparer à celui des Aston Martin contemporaines. Avec son long capot et son habitacle rejeté vers l’arrière, dans la grande tradition des GT de haute volée, la Roma exsude une finesse bienvenue, saupoudrée d’une agressivité tout en retenue, avec une proue de type sharknose très éloignée des us de la maison (il y a cinq ans, si l’on supprimait les logos, il était difficile d’identifier spontanément la Roma comme une Ferrari). L’auto participe aussi d’un certain renouvellement des thèmes chers à la marque, en osant par exemple une calandre ton caisse – assez controversée, il faut en convenir – et en renouvelant le tracé des coutumiers quatre feux arrière, ici réduits à de simples fentes lumineuses. Indéniablement, l’ensemble a gagné en distinction et en pureté, retrouvant une heureuse simplicité formelle.
Le retour de la capote
Il en va de même à l’intérieur, qui semble s’inspirer des solutions retenues par McLaren en scindant très nettement le cockpit en deux, la console centrale suspendue accueillant un écran vertical de taille contenue, loin des dalles vulgaires et envahissantes qu’affectionnent dorénavant la plupart des constructeurs généralistes. Ici, l’on peut admirer un design véritable, élaboré avec soin – un environnement à la fois sportif et confortable dans lequel chacun trouve immédiatement ses marques. À condition toutefois de s’installer à l’avant ; les places arrière ne sont ici que des alibis et serviront plus volontiers d’extension pour le coffre à bagages, pourtant déjà généreux pour la catégorie avec ses 345 litres. Déclinée en spider à capote souple à partir de 2023, la Roma n’a semble-t-il pas joui de la même popularité que les California et Portofino, ayant perdu l’avantage du concept « deux voitures en une ». Cela n’empêche pas cette Ferrari atypique de tenir amplement son rang, son huit-cylindres témoignant du même brio que lorsqu’il anime des modèles plus sportifs tels que les F8 ou SF90. En toute objectivité, aujourd’hui encore il demeure difficile de trouver mieux pour voyager à deux !



