Lancia Dedra Integrale Turbo : la totale
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Lancia Dedra Integrale Turbo : la totale

Par Jean-Jacques Lucas - 10/08/2022

Cossue, d’allure chic et sobre, ce qui ne va pas de soi dans cette taille de voiture, munie de toutes les dotations techniques du moment, moteur turbocompressé, transmission aux quatre roues, système antiblocage de freins, vendue à un bon prix, la Lancia Dedra Integrale appartenait, en 1991, à ce qui se faisait de mieux dans la catégorie. Nommée comme s’il s’agissait de mathématiques, cette auto trentenaire resterait pertinente dans le flot actuel. Mais, comme un clou chasse l’autre, les Dedra produites de 1989 à 1999, de l’ouverture du mur de Berlin à la naissance de l’euro, ont disparu de la circulation et cette rare auto « totale » a encore tout pour plaire. Á condition d’en dénicher une.

L’embarras du choix

Il fut un temps où la production automobile coiffait les gammes de berlines moyennes de versions énergiques munies de tous les arguments techniques d’efficacité du présent. Pour un coquet budget de 200 000 francs, au début des années 1990, on pouvait hésiter, dans une offre de quatre cylindres, entre une Peugeot 405 Mi 16×4 sortie en 1989, son presque deux litres disposait de 160 chevaux et, un cran tout de même au-dessus, la 405 T16 à la transmission intégrale atteignait 200 chevaux. Renault lui opposait la 21 Turbo Quadra (175 ch), Alfa Romeo la 155 Q4 (192 ch), Ford la Sierra Cosworth 2 litres turbo 4×4 (220 ch) largement plus coûteuse, au niveau de prix d’une XM V6 ou d’une 605 V6 24 soupapes d’alors, certes affectables à d’autres fonctions routières. Bien au-delà, et avec un cylindre de plus que cette petite série d’intégrales, le L5 de l‘Audi 80 S2 valait la puissance de la Sierra, mais croisait à une altitude tarifaire 30 % supérieure, au-delà de 300 000 francs.

Lancia avait encore une existence commerciale convaincante, faite d’une gamme allant de la petite Y10 jusqu’à la Thema statutaire, en passant par les Delta vieillissantes et la remplaçante des Prisma, la Dedra. C’est la fin de l’époque des Lancia brillant sur le théâtre des rallyes. Mais, dans le contexte de l’appartenance plénière au groupe Fiat depuis vingt ans, la marque conservait une singularité, à partir de moyens communs. La Dedra appartenait au projet Tipo 2/3 produisant 4 véhicules au sein des trois marques principales du groupe Fiat. La berline compacte, bicorps, Fiat Tipo sortie en 1988, précède la Dedra de 1989. La Tempra, sorte de Tipo tricorps, apparaît en 1990 et l’Alfa Romeo 155 en 1992.

Si ce n’est la Tipo, plutôt véhicule d’accès, ces autos, qui plus est dans leur définition superlative, obéissent toutes aux canons de l’académisme de l’automobile bourgeoise. Elles sont à trois volumes, avec un effet « Rucksack » comme l’on disait alors des Golf devenues Vento, ainsi augmentées de leur malle « sac à dos ». L’acheteur d’une Dedra devait peu se préoccuper de la savoir dotée des mêmes soubassements que les équivalentes de chez Fiat et Alfa Romeo. Le groupe motopropulseur avant est disposé transversalement en porte-à-faux, et l’auto est suspendue à l’avant par un système Mac Pherson et à l’arrière par un dispositif de bras et ressorts compacts fixés sur le faux châssis.

Son moteur a servi à tout 

La Dedra était une auto plus ramassée qu’une R21 ou qu’une BMW série 3 E30, longue de 4,34 m contre 4,51 m pour la Renault et 4,44 m pour la BMW. Son empattement de 2,54 m la sépare nettement de la Prisma, de 2,48 m, discrète et élégante voiture des années 80, qu’elle remplace. Les motorisations modestes de 1,3 litre et 1,5 litre des Prisma ont disparu et l’offre passe par l’inévitable Turbo diesel (2.0 Turbo d.s.), et par des blocs essence à injection électronique, en 1,6 litre, 1,8 litre, à deux soupapes par cylindre et un arbre à cames en tête et le 2 litres. Le L4 1995 cm3 de la Dedra cote 84×90, ainsi apparenté au bloc des furieuses Fiat 131 Abarth groupe 4 de 1976, passé ensuite sur les Lancia Rally 037 puis la série des Delta championnes. Mais, s’il ne s’agit que d’un cousinage évidemment, la parenté est directe avec la Delta Integrale 185 ch, les Alfa Romeo 164 2.0 TS et Turbo ou la plus retenue Fiat Croma Turbo i.e. 155 ch. C’est la loi de la rationalisation par les banques d’organes communs dont VW s’est aussi fait une spécialité.

 Il ne lui manque rien 

La singularité de la Dedra Integrale réside d’une part dans sa motorisation turbocompressée très en vogue alors, le mot turbo était tombé dans le langage commun, et d’autre part, dans son mode de transmission intégrale permanente. Le L4 double arbre est doté d’un turbocompresseur Garrett avec échangeur air-air et dont la pression est répartie sur toute la plage de fonctionnement. Sa puissance de 177 ch, mais on lit dans des publications de l’époque, 180 ch, fait bon poids, avec un couple de 28,4 mkg à 3 000 tours. Ainsi gréé il vaut 88,7 ch./l.

La transmission intégrale en permanence répartit la puissance sur l’avant à 56 %. Le différentiel central (viscocoupleur) distribue le couple sur le train qui adhère le mieux. Ce système contrôlant le patinage, l’antiblocage à six capteurs, pas si fréquent en 1991, le boost-drive du turbocompresseur en font une auto sophistiquée, assistée, mais peut-être avec moins de raffinement mécanique que du temps des V4 et V6 Lancia historiques.

Cossue, bourgeoise, elle situait la gamme moyenne à un niveau supérieur à celui de la Prisma et reprenait en fin de compte le rang de la Beta (1972-1984). Mais la Trevi Volumex était dotée d’un quatre cylindres 2 litres de 135 ch. Dans sa version dotée de coûteuses options, ce qui relève du pléonasme, la sellerie de la Dedra pouvait être drapée de cuir tendu, sinon il s’agissait du textile synthétique non tissé façon « daim » comme on disait autrefois, l’alcantara au nom flatteur, habillant aussi les portières et l’on retrouvait des placages de bois au meuble de bord.

Ce qu’en disaient les essayeurs 

Les essayeurs de Sport Auto regrettaient que le bloc 16 soupapes du deux litres de la Thema ne lui ait pas été affecté et le choix du « boost-drive » de préférence à l’ « overboost » leur semblait inadapté. Sport Auto avait relaté dans son n° 350 de mars 1991, la confrontation de la Dedra Integrale à la BMW 325i, comparaison plutôt forcée, même si les puissances s’approchaient. La 325i était une propulsion mue par un L6 de 2 494 cm3 de 192 ch (77 ch./l). Au passage, la fabrication de la BMW 325iX E30 (1985-1991) évoquée dans le chapeau, vient alors de cesser. Stéphane Rotenberg, essayant la Lancia à la fin de l’hiver neigeux, avait trouvé que « incontestablement moins amusante à conduire [que la BMW], la Dedra est toutefois dotée d’un comportement très sûr […]. Sa motricité est au-dessus de tout soupçon et la prépondérance du train avant donne à la voiture un équilibre rassurant qui se transforme en sous-virage tranquille une fois la limite d’adhérence atteinte ». En revanche, il déplorait l’efficacité relative de l’amortissement sur des revêtements incertains, notant cependant qu’elle permettait « d’entretenir d’amusantes dérives des quatre roues » sur la neige. Il mettait en évidence le confort de roulage regrettant le relatif « manque de dynamisme » et concluait en estimant que cette « berline très sûre et confortable » avait un caractère contenu pour le prix demandé.

En Allemagne, Lancia mettait en avant ses victoires en rallye pour promouvoir sa gamme « sportive », dont la Dedra Integrale Turbo ie présente sous la Thema (équipée du même moteur).

Examinée dans tous ses détails par Jean-François Guittard pour Auto Hebdo dans le n° 768 du 6 mars 1991, elle était d’abord vue comme une auto énergique et confortable. Chiffres à l’appui, elle était considérée comme une fausse jumelle de la Renault 21 Turbo Quadra, mais plus gloutonne en carburant, peut-être du fait de son dessin insuffisamment aérodynamique. Tout du moins, Lancia n’avait pas recouru à des artifices plastiques de « bimboïsation » de la caisse. On lui reprochait en revanche la souplesse de sa suspension et la dureté de la commande de boîte. Pour équiper l’auto de meilleurs atours ou d’un amortissement contrôlé (9 060 francs), la facture augmentait de 18 % en additionnant la courte liste d’options pour atteindre 225 000 francs, contre 189 000 francs à la Thema Turbo 16 V ou près de 144 000 francs à la Croma Turbo i.e.

La transmission intégrale fut, en fait, affectée à trois Dedra. Cette version turbo de 177 ch (275 Nm), produite de 1991 à 1993, fut suivie de la 2.0 HF Integrale en 1993-1994, ramenée par le système catalytique à 169 ch et d’une plus retenue 2.0 16 V Integrale break de 139 ch (185 Nm) en 1994-1995. Tout au moins, sa filiation industrielle est-elle situable dans le prolongement de la Lancia Prisma 2.0 4WD double arbre (115 ch) sortie au printemps 1986, en parallèle de la Delta turbocompressée (165 ch). Elle devint Prisma Integrale à l’automne 1989 au moment de la commercialisation de la Dedra pas encore dotée de cet équipage énergique. En forçant un peu, on peut voir la Dedra en lointaine traduction de l’Aprilia V4 (1937-1949) dont elle aurait dû, semble-t-il, recouvrer l’appellation abandonnée peu avant son lancement.

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