Lancia Beta HPE : la haute couture accessible
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Lancia Beta HPE : la haute couture accessible

Par Nicolas Fourny - 28/05/2024

« Cette auto rassemble avec bonheur des capacités d’emport supérieures à la moyenne et une allure à la fois chic et raisonnablement dynamique »

Certains les appellent « coupés-breaks », d’autres « breaks de chasse », mais au fond peu importe la sémantique : ce qui compte, c’est la grâce singulière de ces carrosseries dont le nombre, au XXe siècle, n’a pas excédé la dizaine de modèles. Parmi ceux-ci, on compte des créations artisanales construites à l’unité, tels les shooting brakes créés par Harold Radford sur base Aston Martin ou les Eventer développés par Lynx en partant de la Jaguar XJ-S ; des exemplaires uniques, comme la Peugeot 504 Riviera et la Lancia Gamma Olgiata dessinées par Pininfarina ou bien la Ferrari 330 GT 2+2 due à Vignale ; mais aussi des machines de plus grande série, parmi lesquelles la Lancia Beta HPE aura été de loin la plus produite. Tout à la fois originale, pratique, élégante et sans réel équivalent sur le marché, il s’agit sans doute de la variante la plus intéressante, esthétiquement parlant, de la tentaculaire gamme Beta…

La crise en ce jardin

Indéniablement, ce n’est pas demain que l’on reverra un constructeur proposer, au sein d’une même gamme, deux berlines, un spider, une berlinette à moteur central, un coupé et un break de chasse. Apparue il y a cinquante-deux ans, la Beta – initialement une quatre-portes fastback dont la ligne n’avait rien de particulièrement émouvant – aura très généreusement essaimé au sein du catalogue Lancia, dont la diversité à la fin des années 1970 devrait faire honte aux responsables de la situation actuelle de la marque… Pour autant, racheté par Fiat en 1969, Lancia n’était déjà plus le constructeur avant-gardiste d’autrefois, réputé pour ses innovations techniques comme pour la qualité de finition de ses voitures. Le géant turinois avait imposé à sa nouvelle filiale des règles de saine gestion que ses précédents dirigeants, Gianni Lancia puis la famille Pesenti en tête, avaient joyeusement négligées, avec le résultat que l’on sait. Et, rationalisation industrielle oblige, la berline Beta, présentée lors du Salon de Turin 1972, devait beaucoup à Fiat – à commencer par les brillants quatre-cylindres double arbre dus à Aurelio Lampredi qui animaient l’auto, au demeurant accueillie plutôt fraîchement par les amoureux de la marque.

Une gamme dans la gamme

Pourtant, le plan-produit élaboré par les dirigeants de Lancia allait se révéler particulièrement ambitieux dans les années à venir puisqu’il consistait, en toute simplicité, à reconstruire entièrement la gamme – et ce en respectant, autant que faire se peut, l’identité et le prestige de la firme, caractérisée à la fois par l’élégance de ses voitures de route et par l’ampleur de son palmarès en compétition (toute ressemblance avec des événements récents serait bien évidemment fortuite). C’est la raison pour laquelle, sur la base de la berline originelle, furent présentés, dans l’ordre chronologique, un coupé (automne 1973), un spider dessiné par Pininfarina et coproduit avec Zagato (mars 1974), le break de chasse HPE qui nous occupe ici puis, en 1980, la berline Trevi à coffre séparé. S’y ajouta la première série de la berlinette Montecarlo présentée en mars 1975 mais séparée de la gamme Beta à partir de 1980 ; il faut dire qu’au vrai cet engin n’avait pas grand-chose à voir avec les autres Beta puisqu’il s’agissait d’une étude initialement destinée à Fiat et qui avait été intégrée in extremis au catalogue Lancia. Il n’empêche qu’au mitan de la décennie 70, l’amateur n’avait que l’embarras du choix et il existait pour ainsi dire une Beta pour chaque usage, Lancia étant susceptible de répondre aux attentes les plus diverses, du conducteur sportif au père de famille en quête de volume habitable et de respectabilité, en passant par les amateurs de conduite cheveux au vent. Toutefois, aux côtés de formats en définitive plutôt classiques, le typage de la Beta HPE, aussi rafraîchissant qu’inattendu, ne pouvait qu’intriguer les observateurs…

Un talentueux métissage

De fait, présentée au printemps de 1975, la Beta HPE (acronyme révélateur signifiant High Performance Estate, c’est-à-dire « break à hautes performances), va compenser l’absence de hayon sur la berline et occuper une place inaccoutumée au sein de la gamme Lancia, qui ne comporte alors aucun break à proprement parler (il faudra attendre la sortie de la Thema ainsi carrossée, en 1986, pour que cette lacune soit comblée). En ce sens, il s’agit bien d’une vraie Lancia, qui démontre qu’en dépit de la tutelle de Fiat le constructeur est toujours capable de concevoir des automobiles décalées et dépourvues de concurrentes directes, à l’exception de la bien plus confidentielle Reliant Scimitar GTE, l’anecdotique Jensen GT s’avérant bien moins diffusée encore. À l’époque, BMW vient d’abandonner son attachante Touring construite sur la base de la série 02, Volvo a stoppé la fabrication de sa P1800 ES depuis plusieurs années déjà et ni Alfa Romeo, ni Mercedes-Benz, ni aucun constructeur généraliste ne s’intéressent à cet improbable segment de marché. À tort : en neuf ans de carrière et deux restylages qui, fort heureusement, n’auront pas dénaturé le design de la voiture, la HPE (dissociée comme la Montecarlo de la gamme Beta en 1979, puis rebaptisée « H.P. Executive » à partir de 1982), a connu un grand succès, dépassant de loin les prévisions les plus optimistes de la marque, qui aura du mal à répondre à la demande. Plus de 70 000 unités tomberont ainsi de chaîne en neuf ans de production !

Si je vous écrivais d’Italie

Dessinée en interne, la Beta HPE a bénéficié d’une conception astucieuse consistant à associer la proue du coupé à l’empattement de la berline (plus long de dix-neuf centimètres), autorisant de la sorte l’implantation de deux places véritablement utilisables à l’arrière ainsi que l’aménagement d’un très vaste espace de chargement, le tout étant habillé d’une carrosserie digne des plus belles réalisations italiennes. D’où qu’on la contemple, cette auto dégouline littéralement de classe ; elle rassemble avec bonheur des capacités d’emport supérieures à la moyenne et une allure à la fois chic et raisonnablement dynamique, sans ostentation ni détails agressifs ou vulgaires. La gamme des moteurs disponibles s’inscrit dans la même démarche : de la performance, certes, mais sans sportivité exacerbée – les variantes les plus désirables étant bien sûr les 2 litres à injection Bosch LE-Jetronic, développant de 115 à 120 ch en version atmosphérique et jusqu’à 135 ch dans le cas de la rare « Volumex », dotée comme sa dénomination l’indique du compresseur volumétrique très répandu chez Lancia et Fiat au début des années 1980.

Regrets éternels

Même le modeste 1600 d’entrée de gamme, pétillant et volontaire, octroie déjà un réel plaisir de conduire, ses 100 ch suffisant à mouvoir avec enthousiasme une machine bien plus légère et compacte que l’on pourrait le croire en la contemplant – mais qui, quelle que soit la motorisation, ne sera hélas pas facile à trouver en bel état : la qualité de fabrication n’était à l’évidence pas à la hauteur du concept et, sans surprise, la corrosion a fait des ravages, décimant sans merci cette génération de Lancia, la HPE se voyant par ailleurs privée de toute descendance. De façon incongrue, le nom « HPE » sera pourtant réutilisé par la marque à deux reprises – en 1995 pour désigner la version 3 portes de la Delta de deuxième génération puis, en 2006, pour présenter le concept car annonciateur de la Delta III et enfin, tout récemment, sur le manifeste esthétique Pu+Ra ; c’est-à-dire trois voitures qui ne recèlent aucune filiation avec la HPE originelle ! Dans la revue Gazoline, le journaliste Marco Visani rapportait il y a quelques années la réflexion d’un dirigeant de BMW formulée auprès d’un homologue de chez Lancia au sujet de la Beta HPE : « Vous avez lancé un chef-d’œuvre mais vous ne l’avez pas compris, et il va mourir entre vos mains ». On ne saurait mieux dire…

1995 cm3Cylindrée
135 chPuissance
195 km/hVmax



Texte : Nicolas Fourny

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