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L'ascension et la chute de Sanxing Motors
- 12 juil. 2016Une organisation légère comme celle de Boîtier Rouge ne permet pas d’avoir des « correspondants » à l’étranger. Mais elle dispose d’un atout non négligeable : des lecteurs, souvent grands voyageurs, et tout aussi pointus qu’un rédacteur attitré. Voilà comment on se retrouve avec une belle histoire d’usine et des photos exclusives, grâce à Damien, fidèle de la première heure et habitué à crapahuter en Chine.
Les photos étonnantes qu’il nous envoie aujourd’hui résument parfaitement l’ascension puis la chute d’une valeur sûre de l’automobile chinoise des années 90, à une époque où tout semblait possible : Sanxing Motors. Aujourd’hui les constructeurs chinois pullulent mais au début des 90’s, le marché automobile n’est qu’un futur eldorado pour constructeurs étrangers (lire aussi : Guangzhou Peugeot) ou pour les nouveaux entrepreneurs chinois profitant de la libéralisation du marché.
Contrairement à ce que pourraient laisser croire les images, Sanxing Motors et son logo (un S dans un triangle sur fond rouge) furent célèbres dans toutes la Chine, prémices d’une industrie automobile aujourd’hui hyper-développée. Son histoire commence en 1988, par la construction de machines agricoles et d’utilitaires légers « du cru ». Mais en 1990, la société veut se développer sur le créneau des véhicules particuliers, et profiter d’une possible explosion du marché automobile chinois, encore embryonnaire !
Sanxing Motors est situé dans la province du Guandgong, au Sud Est de la Chine. Les autorités (communistes évidemment) ont de grandes ambitions eux aussi, et espèrent le développement de l’industrie automobile dans leur région. Ils encouragent évidemment Sanxing dans son développement, et seront peu regardant pour estampiller « made in China » : il suffisait parfois d’importer une voiture directement de l’étranger, pour ne monter que les rétroviseurs, les pneus, et la batterie pour en faire une voiture purement chinoise : de nombreux « importateurs » se retrouvèrent ainsi « constructeurs » par la grâce d’une administration peu regardante.
Chez Sanxing, on a cependant plus d’ambition. L’usine est une vraie usine, et les partenaires sont de stature international. Le premier d’entre eux sera Mitsubishi, qui fournira des Minibus en CKD (le L300 notamment), mais aussi des Space Wagon. Bientôt Nissan soutiendra aussi Sanxing Motors en lui fournissant des minibus ou bus en CKD. Mais le vrai coup de maître de la jeune entreprise sera de convaincre en 1993 les américains de chez Chrysler, pour produire le Voyager en Chine. Si Chrysler y voit un intérêt économique (vendre des pièces de modèles largement amortis), il est hors de question que cela soit sous sa marque. Sanxing va baptiser ses monospaces américains du nom de G-Star, sans pentastar ni référence au constructeur américain !
Mieux, Sanxing va réussir à attirer dans ses filets le groupe Daimler-Benz, en construisant quelques utilitaires à l’étoile, et surtout le légendaire Unimog 406. Le milieu des années 90 est l’apogée de la Sanxing Motors Corporation. Ses usines emploient jusqu’à 8000 employés.
Pourtant, dix ans après sa création, la société va subitement décrocher comme on dit dans l’aviation, subissant plusieurs événements qui conduiront au crash. Tout d’abord, le gouvernement central devient plus tatillon sur les assemblages factices : si Sanxing dispose bien de chaînes de fabrication, contrairement à d’autres, elle se retrouve tout de même dans le collimateur, d’autant plus qu’elle doit affronter des attaques pour « contrebande » mais aussi corruption de fonctionnaires, dans ce qu’on appelera en Chine le scandale de 98 ! En outre, Sanxing subit une crise financière sans précédent et brutale, conduisant à l’arrêt pur et simple de la société en 1999 ! Du jour au lendemain, la société est déclarée en faillite, les usines s’arrêtent, et tout restera en l’état.
Le malheur des uns fait parfois le bonheur des autres. Les milliers de salariés sur le carreaux iront retrouver du travail ailleurs, dans une Chine en pleine croissance, laissant presque 20 ans plus tard un lieu resté tel quel : les chaînes sont simplement arrêtées, et si la végétation ou la rouille ont pris le dessus, on pourrait croire que tout s’est arrêté hier : un chef d’oeuvre « Urbex » comme on en voit peu. La gloire de l’industrie automobile chinoise des années 90 s’est arrêtée nette, préparant le terrain à une nouvelle génération de constructeurs dans les années 2000.
Sanxing a sans doute eu le tort de croître trop vite, d’être trop confiante, de ne pas être dans les petits papiers du gouvernement chinois, sans avoir vu venir la chasse à la corruption, et surtout d’avoir mené une politique financière dispendieuse en surfant sur la croissance, sans consolider les acquis comme d’autres constructeurs « historiques ».
Merci à Damien « navigator84 » pour ses superbes photos exclusives, et l’idée du sujet (c) tous droits réservés !
Merci aussi à Erik Ivan Ingen Schenau pour ses précieuses informations http://www.chinesecars.net/