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Citroën Visa : vieillir comme le bon vin

PAUL CLÉMENT-COLLIN - 15 août 2022

Il est de bon ton aujourd’hui de se moquer de la Citroën Visa. Première Citroën de l’ère Peugeot — la LN n’étant qu’un produit opportuniste —, elle va pourtant tenir son rang durant les dix années de sa carrière en complétant habilement la gamme qui, grâce à elle, ne fait plus le grand écart. Certes, son style est particulier, au point d’être habilement restylée deux ans et demi après son lancement, mais la Visa, bien que profitant d’une plate-forme Peugeot et complétant son offre bicylindre par un moteur X, s’avère une vraie Citroën, innovante, déroutante et finalement envoûtante tant elle est décalée.

A la fin des années 60, Citroën sent bien qu’il manque à sa gamme un intermédiaire crédible. Son image se faisait jusqu’alors sur deux produits phares, le couple 2CV / Dyane d’un côté (accessibles, populaires, pratiques mais vieillissantes) et la DS de l’autre (innovante, confortable, sûre mais plus toute jeune elle non plus). Certes, l’Ami 6 puis l’Ami 8 tentent de combler les trous mais cela ne suffit pas. Avec son nouveau partenaire Fiat (qui est entré au capital via la société de holding Pardevi), on décide donc de moderniser le bas de gamme tandis que la GS vient prêter main-forte sous la DS (lancement en 1970). Le projet Y est lancé, reprenant le châssis d’une Fiat 127.

Du projet Y au projet VD

L’idée est simple : offrir une voiture crédible entre la GS et la 2CV, les Ami 6 et 8 n’ayant pas convaincu le marché. On étudie donc une petite voiture à quatre portes mais disposant tant du bicylindre des 2CV/Dyane que du flat-four de la GS. Le projet avance et, en 1972, le style paraît déjà figé (Y2). Or, en 1973, face à l’opposition rencontrée pour racheter Citroën, Fiat jette l’éponge et se retire de Pardevi. Le projet doit donc évoluer et change de nom pour devenir TA. Mais tout s’écroule à nouveau en 1974 avec la faillite et l’entrée en jeu de Peugeot dans le rôle du sauveur. Le projet TA évolue donc encore une fois en VD pour intégrer les soubassements de la Peugeot 104 et certaines de ses mécaniques (le moteur X) en plus des traditionnels bicylindres. Le projet Y/TA n’est pourtant pas totalement abandonné : bien avancé, il deviendra la réponse de Citroën à l’appel d’offres roumain de 1974 pour la création d’une troisième marque nationale aux côtés de Dacia (et sa 1300 dérivée d’une Renault 12) et d’Aro (qui produit les 4×4 304). Ainsi naîtra l’Oltcit Club en Petite Valachie et qui débarquera sous le nom d’Axel en France en 1984.

Mais revenons à notre projet VD. Alors que, par opportunité autant que par urgence, la petite LN, copie conforme d’une 104 à trois portes mais dotée du bicylindre Citroën, est lancée en 1976, la VD continue son bonhomme de chemin dans les bureaux d’études. Sa ligne évolue, mais elle reste proche de celle du début, le projet Y, ce qui explique sa ressemblance avec l’Oltcit. Malgré l’arrivée de Peugeot (et de George Taylor à la présidence de Citroën à l’époque), la Visa présentée en 1978 a tous les attributs des Chevrons : un look décalé (et dérangeant), un parti pris total y compris à l’intérieur, avec son satellite cylindrique réunissant toutes les commandes essentielles (le fameux PRN pour Pluie Route Nuit), et un excellent compromis avec les technologies Peugeot.

Une vraie Citroën s’appuyant sur l’expertise Peugeot

Ainsi, malgré son châssis de 104, et des suspensions assez conservatrices (ressorts hélicoïdaux à l’arrière, McPherson à l’avant) mais retravaillées pour obtenir plus de « moelleux » Citroën, la Visa offre une vraie personnalité, et quelques innovations à ce niveau de gamme (tout comme la LN, qui devient LNA, elle reçoit l’allumage électronique). C’est en outre l’une des rares voitures à proposer le choix entre un bicylindre à plat et un 4 cylindres transversal. Enfin, l’originalité Citroën a été préservée avec son design étonnant (détonnant ?) et notamment son « groin » : la calandre proéminente englobée par le pare-chocs en plastique. Un parti pris osé qui sera d’ailleurs son ennemi principal. C’était osé, trop peut-être, mais après tout, l’Ami 6 ou l’Ami 8 avaient elles aussi des physiques ingrats, tandis que les GS et CX, au-dessus, restaient très originales.

Sous le capot, on trouve une offre simple : pour les Spécial et Club, c’est le bicylindre de 652 cc développant 35 chevaux qui s’y colle ; pour la Super, c’est le 4 cylindres X de 1 124 cc et 57 chevaux. Sans être (loin de là) un foudre de guerre, c’est amplement suffisant pour les 870 kg de la Visa. La carrière de cette dernière commence plutôt tranquillement. Sans être un échec, on sent bien que la mayonnaise ne prend pas, malgré un positionnement pertinent et une offre économique valable. Rapidement, la direction de Citroën (et notamment Xavier Karcher, prenant la direction générale de la marque en 1979) se rend à l’évidence : son physique ingrat rebute, et empêche de faire de la conquête, restant cantonnée à une clientèle captive et habituée aux “délires” visuels de la marque.

Faire évoluer la Visa vers plus de grâce

Oui mais voilà, comment faire évoluer la voiture quand, dans le même temps, les budgets manquent ? Le rachat de Chrysler Europe, tout comme la crise de 1979, a changé l’euphorie en panique et il faut sauver le soldat PSA. La priorité, pour les Chevrons (et le groupe tout entier) reste le développement de la BX prévu avant le grand lancement de la 205 et la Visa n’est absolument pas prioritaire. Citroën, pour rectifier le tir à moindre frais, va proposer un budget dérisoire au carrossier Heuliez, sis à Cerizay dans les Deux-Sèvres, pour retravailler le faciès incriminé. Dans l’équipe, on trouve un certain Gérard Godfroy, qui œuvra auparavant sur le style de la 205, lui donnant une partie de sa personnalité sous les ordres de Gérard Welter et qui créera par la suite, avec son compère Claude Poiraud, la marque Venturi.

Avec l’expérience qui est la sienne chez Peugeot, Godfroy va d’abord entraîner la Visa vers un visage très sochalien (du moins en devenir) avant de revenir à quelque chose de plus sage et surtout de plus économique. Grâce à de subtils changements de la face avant, la Visa II retrouve un sex-appeal qui lui manquait jusqu’alors ! Regardez bien les photos : les améliorations se jouent sur les détails et pourtant ça marche. Le groin disparaît grâce au repositionnement des plastiques “englobant” l’ensemble de la façade et non plus seulement la calandre. Ce petit artifice modifie profondément le visage de la Visa, preuve que trop de maquillage tue le maquillage et qu’un peu de subtilité suffit à souligner un regard finalement séduisant.

La Visa II change la donne

En mars 1981, la nouvelle Visa (désormais Visa II) s’offre au public. Ses moteurs avaient déjà un peu évolué, récupérant sur la Super X un 1 219 cc de 64 chevaux. C’est toujours pas l’éclate, mais c’est mieux que rien, et suffisant pour faire grimper les ventes de 50 % entre 1980 et 1982, passant de moins de 65 000 exemplaires à 95 000 cette année-là : cinquième voiture la plus vendue en France, mais aussi Citroën la plus vendue tout court devant la GSA ! Comme quoi, il suffit parfois de peu de chose (et d’un peu de promotion à la sauce Séguéla aussi !).

Dès lors, tout devient permis pour la Visa II : versions sportives (Trophée en 1981 de 100 chevaux, Chrono de 93 chevaux en 1982, 1000 Pistes de 112 ch — le moteur de la 104 ZS à carbu mais “évolué” —, GT de 80 ch peu de temps après, puis enfin la Visa GTI en 1984 avec son moteur de 205 GTI de 105 puis 115 canassons) mais aussi version de loisir avec une Découvrable étudiée chez Heuliez et lancée en 1983 (qui ne connaîtra pas le même succès que les “vrais” cabriolets 205) ; sans parler de déclinaisons Diesel (l’une des spécialités de PSA). Mieux, l’étonnant utilitaire C15 dérivé de la Visa va s’offrir une carrière en béton jusque dans les années 2000, devenant presque collector tant il aura marqué (et il continue encore aujourd’hui) les routes de France et de Navarre.

Un succès sur le tard

La Visa II est l’un des rares exemples de “restyling” gagnant, permettant à la voiture de s’offrir une seconde carrière meilleure que la première quand, d’habitude, il s’agit d’enrayer une chute inévitable des ventes avec l’âge. La Visa II retrouva, elle, une seconde jeunesse grâce à Heuliez, au point d’arriver à un total de 1 254 390 exemplaires (soit plus que la Xantia, la CX et pas loin de la DS en termes de production). D’ailleurs, à l’époque nous n’avions absolument pas honte de rouler dans la Visa II de ma tante tandis que nous jouions à “2CV verte à moi le bonheur” en nous moquant des ces antiquités roulantes encore nombreuses sur les routes de France. Au même titre que la BX, la Visa c’était la modernité : certes, dérangeante, mais réelle !

Aujourd’hui, la Visa est moquée : voilà pourquoi il faut en acheter une. Il y en a pour tous les goûts, avec ou sans groin, sportive ou non, berline ou découvrable, bicylindre ou 4 cylindres avec toujours la même qualité : le décalage. Découvrez les charmes de son équipement indigent (mais était-elle la seule ?), de son satellite PRN déconcertant, de son essuie-glace monobranche, de son habitabilité malgré son petit gabarit, et laissez-vous séduire malgré le regards de moqueurs et les sarcasmes de vos voisins : “pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font” (Luc 23, 34).

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