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Citroën LN / LNA : l'opportuniste
PAUL CLÉMENT-COLLIN - 24 sept. 2014En 1975, année de ma naissance, Citroën vient d’être racheté à Michelin par Peugeot, donnant naissance au groupe PSA. La stratégie de Peugeot est curieuse puisque Citroën est un constructeur généraliste, comme lui, et donc parfaitement concurrent ou presque ! Qu’à cela ne tienne, pour les bourgeois de province que sont les Peugeot, mettre la main sur la parisienne Citroën, décalée et fantasque, c’est une sorte de revanche.
En ce milieu des années 70, l’heure n’est pas encore à la banalisation de la marque du Quai de Javel, mais l’idée pointe déjà, avenue de la Grande Armée, de rentabiliser les plates formes et de compléter les gammes. En bas de l’échelle, Citroën dispose bien de la 2CV et de la Dyane, mais il ne s’agit pas à proprement parlé de citadines. Elles rencontrent d’ailleurs le succès dans les zones rurales requérant un véhicule rustique, multi usage, et low cost avant l’heure. En revanche, rien à opposer à la Mini, à Autobianchi A112 ou à la petite Renault 5 (dans les cartons pourtant, il y avait bien le projet Y, mais trop typé Citroën sans doute… Il donnera naissance en 1981 à l’inoubliable Citoën/Oltcit Axel.
Qu’à cela ne tienne, la solution est toute trouvée : Peugeot dispose dans sa gamme de la 104, et cela donne des idées. Ainsi naîtra la Citroën LN, mariage entre la carrosserie de la petite Lionne et des moteurs bicylindre d’origine Citroën. C’est un moteur d’Ami 8 qui prendra place sous le capot, avec ses 602 cm3 et sa puissance faramineuse de 32 ch. La répartition des rôles est déjà claire : à Peugeot le haut de gamme du segment, à Citroën le bas ! Pourtant, la petite LN est plutôt chère pour ses prestations, et ressemble à s’y méprendre avec sa sœur siamoise.
Malgré ces handicaps, la LN est un succès, et les délais d’attente s’allongent. Il faut dire que Citroën n’y voyait qu’un produit « opportuniste », et ne s’était pas préparé industriellement à une telle demande. Cela dit, ne nous emballons pas, ce n’est pas un ras de marée, mais la demande est suffisante pour mettre à mal l’organisation industrielle du modèle. Il faudra donc réorganiser la production et faire appel à d’autres usines, notamment en Belgique.
En 1978, une révolution apparaît en la personne de la LNA, qui se distingue de sa petite sœur avec un « gros moteur » : un 652 cm3 développant 36 ch, issu de la gamme Visa. La LNA ne fait pas disparaître tout de suite la LN, qui continuera à être produite jusqu’en 1979. Malgré l’arrivée de cette version plus puissante et un poil mieux équipée (mais vraiment un poil), les ventes commencent à baisser. La gamme restera inchangée ou presque jusqu’en 1982, date à laquelle l’impensable arriva : en complément des bicylindre typiquement Citroën, des 4 cylindres en provenance du Doubs viennent trouver refuge sous le capot.
Les puristes la ferment, car de toute façon pour eux la LNA n’est pas une Citroën, et les autres apprécient d’obtenir désormais 50 ch d’un 4 cylindres 1,1 litres Peugeot. On est pas loin d’une version sportive (non je rigole, il suffit de voir ce que faisait Peugeot à l’époque avec la Peugeot 104 ZS). La carrière se poursuit ainsi comme un long fleuve tranquille, satisfaisant une clientèle fidèle malgré la concurrence au sein même du groupe PSA des 104 ou Talbot Samba. La série spéciale Prisu limitée à 600 exemplaires en 1983 en dit long sur le positionnement de la LNA : les magasins Prisunic, c’étaient un peu les Lidl de l’époque, même si la comparaison est osée (en tout cas cela n’avait rien de glamour, même s’il y en avait un rue de Passy dans le très chic XVI ème arrondissement)…
C’est finalement en 1985 que la LNA meure de sa belle mort, satisfaite du travail accompli, après 353 000 exemplaires produits (130 000 LN et 223 000 LNA). On est loin de péter les records, mais avouons le, les états majors de Citroën et Peugeot n’en attendaient pas autant. Elle restera pendant longtemps dans l’esprit des gens la petite bagnole pas belle pas chère pas performante mais pas dénuée d’intérêt. Ce sera la voiture des jeunes permis en occase (j’ai fait les 400 coups avec un ami qui avait eu pour ses 18 ans une LNA en cadeau au début des années 90). Elle sera remplacée par un autre genre d’oiseau chevronné, l’AX, qui saura se différencier de la concurrence doubiste.
Il peut être amusant aujourd’hui de s’en offrir une si vous habitez en ville, désirez une petite voiture, disposez d’un budget très limité, et si vous vous sentez l’âme d’un conservateur d’espèce en voie de disparition. Je ne donne même pas de côte au modèle, puisque elle ne vaut grosso modo pas grand chose. Malgré tout, elle peut devenir très vite un collector après avoir disparu peu à peu des garages à cause des Balladurettes, Juppettes et autres primes à la casse. Outre les séries spéciales (la Prisu me tente bien), il existe de vraies raretés, comme la LNA 10E à moteur 954 cm3 et 45 ch produite à 248 exemplaires en 1985 pour le marché italien : on se met les challenge qu’on peut… A noter aussi une proposition de cabriolet du carrossier Bertin-Cholet rarissime (une quinzaine d’exemplaires, lire aussi: Citroën LNA Cab Bertin Cholet) qui peut être un graal dans votre quête de la LN/LNA la plus originale. Bonne chasse !