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Maserati Coupé et Spyder (4200) : le compromis grâce à Ferrari
Paul Clément-Collin - 22 juil. 2022La firme au Trident, passée des mains de Fiat à celles, plus expérimentées et adroites, de Ferrari, avait pu retrouver un peu de lustre en revisitant les dernières générations de Biturbo (Ghibli II et Quattroporte IV), puis accéder enfin à un peu de modernité avec la 3200 GT à la superbe plastique. Pourtant, il restait encore un peu de l’héritage “De Tomaso” qu’il fallait définitivement faire disparaître. La Maserati Coupé (et son dérivé spyder), notamment appelée 4200 GT, conserve la ligne générale de la 3200 et se « ferrarise ». Cet élan permettait à la marque à la fois de sortir de l’anonymat et de pousser les portes du marché américain.
Dès le début des années 90, le nouveau propriétaire de la petite marque de Modène, Fiat, se retrousse les manches pour redorer le fameux blason au trident. Certes, avec la Biturbo, Maserati était-elle entrée dans une ère de volume, sans pour autant atteindre la rentabilité ni améliorer son image de marque. L’idée d’une voiture plus compacte susceptible de concurrencer BMW avec ses E21 puis E30 sur le terrain du sport mais aussi du luxe n’était pas idiote. Malheureusement, produire plus demande aussi plus d’investissements et une organisation industrielle sans faille, ce qui ne sera jamais le cas sous la direction d’Alejandro de Tomaso. Une fois dans les mains de Fiat, tout change. La gamme pléthorique de la Biturbo (entre les classiques coupés eux-mêmes, déclinés en de multiples versions, les quatre-portes, le Spyder ou la Karif, on s’y perd) est d’abord recentrée. Puis une version plus aboutie du coupé apparaît en 1992 : la Ghibli II. Enfin, les quatre-portes disparaissent pour laisser place à une attrayante Quattroporte IV.
L’intégration à Ferrari
Quitter le giron de Fiat pour passer sous la coupe de Ferrari
Petit à petit, la marque va quitter le giron de Fiat pour passer sous la coupe de Ferrari (ce sera fait en 1997). La marque au cheval cabré va commencer par “améliorer” les modèles existants, tentant de les faire passer à son propre standard (la Quattroporte IV deviendra ainsi Evoluzione). Mais surtout, un nouveau modèle se prépare. Ce sera le premier modèle réellement créé sous l’ère Ferrari. Élégant coupé 2+2 dessiné par Giorgetto Giugiaro, tout en rondeur, il tranche avec les lignes précédentes héritées de la Biturbo. L’arrière est par ailleurs subtilement dessiné avec des feux en boomerang du plus bel effet. Si la 3200 GT semble apporter un vent de fraîcheur à Modène, elle n’en utilise pas moins des méthodes éprouvées : sous le capot, le V8 3.2 est directement hérité de la Shamal (puis de la Quattroporte IV). De même, son châssis dérive de la grande berline Maserati.
Nouveau moteur dérivé de celui de la Ferrari 360 Modena
La 3200 GT jouera son rôle de trait d’union jusqu’en 2002, date à laquelle apparaît le Coupé (et le Spyder, version décapotable plus courte et présentée quelque temps avant). Sans renier le nouvel élan insufflé par la 3200, tant le Coupé n’en semble être qu’une évolution esthétique, la nouvelle voiture est en réalité bien plus nouvelle qu’on ne le croit. Le châssis est retravaillé en profondeur et son architecture devient “transaxle” (la boîte passe alors à l’arrière pour une meilleure répartition des masses). Sous le capot, adieu l’ancien V8, place à un nouveau moteur dérivé de celui de la Ferrari 360 Modena, pour 4 244 cc et 390 chevaux (contre 370 pour l’ancien V8).
Une voiture enfin mondiale
Beaucoup regretteront la disparition des fameux feux en boomerang si caractéristiques et originaux. Certes, celle qu’on appelle déjà 4200 GT, par opposition à sa devancière 3200 GT, semble moins raffinée stylistiquement, mais l’apparition de feux arrière plus classiques lui ouvre la porte d’un marché essentiel : les États-Unis. Pour Maserati, ce sacrifice en vaut la chandelle et l’on considère, à raison, que l’amélioration générale et le passage au V8 Ferrari suffisent à séduire une clientèle plus large. En effet, malgré une puissance accrue, le 4.2 s’avère bien plus agréable à l’usage, moins violent. Alors que la 3200 restait délicate à conduire, la 4200 peut quant à elle prétendre être utilisée au quotidien.
D’ailleurs, rapidement, les ventes le confirment. Entre 2002 et 2007, le Coupé et le Spyder se vendront à 13 423 exemplaires (contre 4 795 à leur devancière) : un changement de dimension bienvenu pour Maserati qui, dans la foulée, a aussi lancé une nouvelle Quattroporte V en 2003. Cette décennie 2000 sera donc celle de la croissance, menant à la diversification des années 2010. Le Coupé, quant à lui, gagnera au fil du temps quelques chevaux avec la GranSport en 2004 (400 chevaux). Pour continuer à susciter l’enthousiasme, de nombreuses séries spéciales verront aussi le jour.
Le compromis idéal ?
Aujourd’hui, le Coupé reste relativement accessible (cela reste une voiture de sport italienne), bien aidé en cela par sa large diffusion. C’est sans doute une bonne façon de découvrir l’univers Maserati. Sans atteindre la modernité de la GranTurismo (et du GranCabrio) qui lui succède, elle offre une véritable évolution par rapport à la 3200 GT, et encore plus par rapport aux délicates Biturbos précédentes. Il s’agit, en quelque sorte, d’un étonnant compromis malgré, on se répète, l’absence des si attachants feux en boomerang.
Texte : Paul Clément-Collin