Renault Floride et Caravelle : la "Fraaance éteeerneeelle"
CLASSICS
FRANÇAISE
RENAULT

Renault Floride et Caravelle : la "Fraaance éteeerneeelle"

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 06/11/2016

Les envies d’articles viennent parfois comme des envies de pisser… et c’est en tombant ce matin sur de (belles) photos de Brigitte Bardot juchée sur sa Renault Floride (en fait, il s’agissait d’un contrat publicitaire) que m’est venue l’idée de vous parler de ce petit cabriolet (et coupé) sur base de la Dauphine, qu’on connaîtra aussi sous le nom de Caravelle ! Ces photos m’ont d’abord fait penser à mon père qui lui, eut la chance de croiser souvent BB. Je me souviens de son sourire en coin et de son œil frisant lorsqu’il racontait ses années de jeunesse au 1 rue de la Pompe, une adresse partagée avec la jeune Brigitte. En l’écoutant parler, je l’enviais d’avoir pu croiser une si belle femme surtout dans ces jeunes années. Il faut dire qu’à mon époque, Bardot avait perdu de sa superbe.

floride-17-bardot

floride-18-bardot

floride-16-bardot

Bref, je m’égare et revenons à nos moutons. A sa sortie en 1959, la Floride est la voiture des jeunes branchés (enfin c’est ce que voulait faire passer comme message la Régie), mais aussi des grands de ce monde. Pour promouvoir ce petit cabriolet (mais aussi coupé), la RNUR offre à l’idole des jeunes (BB, pas Johnny) un exemplaire blanc (et une séance photo habilement exploitée), tout en faisant de même avec Grace (Kelly) de Monaco avec un exemplaire vert. Autant vous dire que la gente féminine est clairement visée.

Grace Kelly, enfin, Grimaldi, eut aussi droit à sa Floride
Grace Kelly, enfin, Grimaldi, eut aussi droit à sa Floride

Si Bardot et Grace Kelly sont choisies, ce n’est pas par hasard. La clientèle féminine on vous dit, mais pas que : il fallait des symboles internationaux qui parlent aussi aux… américains. Car la Floride (et son nom n’est pas un hasard non plus) est à l’origine un véhicule destiné aux américains. Oui oui ! Dans les années 50 (et pour être précis à partir de 1957), Renault, ouvertement poussé (comme Panhard et Peugeot) à rapporter des devises par le gouvernement français, a tenté d’inonder le marché US avec sa petite Dauphine, en concurrente so frenchy de la Volkswagen Cox. Or il faudra bien se rendre à l’évidence : inadaptée au marché, sans réseau de distribution digne de ce nom, la Dauphine n’arrivera jamais à supplanter l’allemande. Pour tout dire, on peut parler d’une Bérézina imposant de rapatrier les modèles « export » en France pour cause d’invendus. Mais n’allons pas trop vite (tiens, rappelez-vous que, malgré cela, une version électrique fut proposée aux USA sur base Dauphine, lire aussi : Henney Kilowatt).

floride-03

floride-09

Pour tenter de limiter la casse aux States, une fausse bonne idée s’impose à Pierre Dreyfus (PDG de Renault à l’époque) et à ses équipes : il faut créer un modèle spécifique destiné à séduire cette clientèle particulière. C’est lors d’un voyage en Floride que cette idée émerge : le nom était tout trouvé pour le futur modèle (pas besoin de service marketing et d’études payées chères à l’époque : l’intuition suffisait). Allez banco, va pour un dérivé cabriolet (avec hard top) et coupé de la petite Dauphine.

floride-08

Pour le style, on va s’adresser à Ghia… Mais là encore, on retrouve VW sur le chemin de la Régie. Ghia est liée à la marque allemande avec son petit coupé fabriqué par Karmann et qui en outre porte son nom, sur base de Cox. Qu’à cela ne tienne, c’est au designer Pietro Frua en direct qu’on passera commande. Sauf que bon, tout ne se passe pas comme prévu. A cause d’un imbroglio financier entre Frua et Ghia, un proto est présenté par le designer sans l’accord de Renault, qui reprendra le projet à son compte en refilant le bébé à ses équipes pour finaliser le produit.

floride-06

Pour tout dire, la ligne de la Floride est assez élégante. En tout cas tout à fait dans le style et la vogue de l’époque. C’est classique, ça fonctionne, c’est équilibré, et comme toute voiture à moteur arrière à l’époque, sans calandre à l’avant. Cela fait bizarre aujourd’hui, mais c’était si courant à l’époque ! A aucun moment on ne distingue la Dauphine sous ce nouveau plumage. Pourtant, le châssis tout comme le moteur (un Ventoux) viennent bien de l’honorable petite berline. Conséquence, la Floride ne coûte pas trop cher à la Régie.

caravelle-05

Reparlons du nom. Floride c’est bien, ça fait exotique pour la France, ça sent bon la plage et les oranges, mais aux Etats-Unis, c’est un peu réducteur. Présentée en 1958 en France, la Floride débarque aux USA en 1959 et prend le nom de Caravelle histoire de ménager les susceptibilités. Et puis Caravelle, ça sonne particulièrement bien en cette fin des années 50 : Sud-Est Aviation vient de lancer son jet moyen Courrier éponyme qui représente la France qui avance, la France technologique, en bref l’avenir quoi. Avec la Caravelle (de Renault comme de Sud-Est), on met en avant une « certaine idée de la France » comme disait le grand Charles qui vient de revenir au pouvoir à la faveur des « événements algériens ». C’est aussi une façon d’éclipser, justement, la guerre qui fait rage de l’autre côté de la Méditerranée et que l’on ose pas vraiment nommer.

caravelle-03

Dès lors, il sera toujours compliqué de savoir qui est qui, qui est quoi. Les Caravelle sont à l’origine des Floride « export », mais en 1962, elles deviennent les Coupés en France (les cabriolet restent des « Floride »). Et puis en 1963, histoire d’embrouiller tout le monde, le nom Floride disparaît au profit de celui, plus porteur semble-t-il, de Caravelle. Là pour le coup, un vrai service marketing aurait été judicieux, pour ne pas trop foutre le bordel dans la tête des clients.

caravelle-02

Entre temps, la Floride/Caravelle a troqué son Ventoux pour un Cléon Fonte, passant de 845 cm3 et 40 ch à 956 cm3 et 51 ch, puis, grand luxe, à 1108 cm3 et 55 ch puis 57,5 ch en 1965 avec la S (oui à l’époque, les « demi-chevaux » comptent). En tout cas, à défaut de percer aux Etats-Unis, la Floride/Caravelle va connaître une carrière fort honorable pour ce type de voiture : 117 039 exemplaires jusqu’en 1968, le tout fabriqué chez Chausson et Brissonneau et Lotz (lire aussi : Brissonneau et Lotz Rosier) par manque de place à Flins, où la Dauphine était fabriquée.

caravelle-04

Aujourd’hui, la Floride est un classique de la collection. Vous ne serez donc pas très original à son volant. Mais elle conserve un charme très « sixties », celui d’une période insouciante, bercée par les yéyés, Brigitte Bardot (justement), et la Nouvelle Vague. Un truc qui ne se définit pas vraiment, mais qui fleure bon la France « éterneeeelle » comme dirait Renaud Roubaudi, notre estimable confrère et ami de chez POA. Autant vous dire que malgré ses performances quelconques qui n’en font définitivement pas une sportive, en coupé comme en cabriolet, cette bagnole, elle a du chien !


Autos similaires en vente

Renault Nn Torpédo
Renault Nn Torpédo
Renault Nn Torpédo
Renault Nn Torpédo
1927 / Manuelle
15 000 €
Renault R8 Gordini 1300
Renault R8 Gordini 1300
Renault R8 Gordini 1300
Renault R8 Gordini 1300
Renault R8 Gordini 1300
1967 / Manuelle
Vendue

Carjager vous recommande

Nicolas Fourny / 13 août 2023

Renault Floride et Caravelle : c'est encore loin, l'Amérique ?

« La Floride est une stricte automobile de plaisance, calibrée pour le cruising (en ligne droite de préférence) plus que pour l’arsouille »
COUPÉ
FRANÇAISE
RENAULT
PAUL CLÉMENT-COLLIN / 13 sept. 2022

Renault 4 Parisienne : la citadine chic et féminine

Lancée en 1961, la Renault 4 a rapidement pris ses marques sur le marché français (au contraire de sa jumelle Renault 3) en passant en tête des ventes dès 1962 et s’y installant jusqu’en 1968 (excepté l’année 1965 où la Citroën Ami6 créera la surprise). Celle qu’on appelle désormais affectueusement “Quatrelle” fait le plein de clients tant à la campagne qu’à la ville. C’est d’ailleurs une nouveauté pour la Régie qui se doit, avec un même modèle, de toucher deux cibles différentes. En ville, la 4L est souvent la deuxième voiture, dévolue à la mère de famille, ce qui donnera des idées au service marketing naissant : créer de toutes pièces un modèle dédié à cette nouvelle clientèle, la Renault 4 Parisienne.
FRANÇAISE
RENAULT
Quentin Roux / 13 sept. 2022

Renault Estafette : le messager de la route

C’est en allant voir la dernière acquisition d’un ami que m’est venue l’idée de vous parler de l’Estafette. Je me rappelais alors de celle carrossée en marchand de glaces installé dans la zone commerciale de la route de la Charité à Saint Germain du Puy (près de Bourges). La dernière fois que je l’ai vu, c’était sur Leboncoin… J’avais quelque peu hésité à m’offrir cette madeleine de Proust mais mes moyens ne me le permettaient pas…
FRANÇAISE
RENAULT
13 sept. 2022

Renault 4CV Jolly: voiture de plage à l’italienne

Quand l’été approche, l’envie de posséder une voiture dite « de plage » se fait plus présente, lancinante, malgré l’absence de beau temps en cette fin de mois de mai. Les moins originaux rêveront à une Citroën Méhari, dans sa version thermique évidemment (lire aussi : Citroën Mehari), d’autres se laisseront tenter par l’interprétation du genre réalisée par Renault et Teilhol avec la Rodéo (lire aussi : Renault Rodéo), quand les plus audacieux rechercheront une Mega Club ou Ranch (lire aussi : Mega Club et Ranch) ou une Teilhol Tangara (lire aussi : Teilhol Tangara). Avec les voitures de plage françaises, on est plutôt dans l’utilitaire dérivé de sa fonction première pour devenir à l’usage un véhicule de loisir.
CLASSICS
FRANÇAISE
RENAULT
PAUL CLÉMENT-COLLIN / 12 sept. 2022

Renault 10 : quoi ma gueule ?

Puisqu’on parlait il y a peu de la Renault 8 (lire aussi : Renault 8), il serait idiot de ne pas parler de sa sœur la 10. Vous savez, cette sœur mal aimée et un peu laide qui a toujours eu du mal à exister à côté de la petite mignonne. Censée être plus grande, plus luxueuse, plus statutaire, plus puissante aussi, elle remplaça la R8 Major en 1965. Trois ans plus jeune que la 8, la 10 paraît pourtant plus vieille, déjà dépassée, tandis que la pimpante truste les charts et s’offre une désirable version sportive dénommée Gordini.
FRANÇAISE
RENAULT
Jean-Jacques Lucas / 05 sept. 2022

Renault 6 : La voiture de Giscard

« 77 PK 63 » (plaque jaune), était-elle vert anglais ou bleu marine ? La famille Giscard d’Estaing usait d’une Renault 6, en service dans sa demeure patricienne de Varvasse sur la commune de Chanonat (Puy-de-Dôme). Le cliché photographique de Gérard-Aimé pour l’agence Gamma-Rapho est bien connu, suivant la petite berline entre Chanonat et Chamalières, au matin du 8 avril 1974. Elle penche du côté droit et une silhouette de profil se détache dans l’habitacle. Olivier Todd, biographe critique en son temps du président Giscard d’Estaing, avait aussi évoqué cet humble équipage dans La Marelle de Giscard (éditions Robert Laffont, 1977). On était venu le quérir en R6, peut-être Edmond Giscard d’Estaing, mais ce n’est que de mémoire, dans une gare proche. Sujette à moquerie au temps de sa carrière, voiture de pépé à casquette et à la conduite somnolente, toujours vue comme coincée entre la Quatrelle et la R16, cette auto a tout de même trouvé sa clientèle entre 1968 et 1980 en France, prolongée jusqu’en 1986 en Espagne, avec une production dépassant 1,74 million d’exemplaires, proche du 1,85 million d’exemplaires de la R16 (1965-1980).
FRANÇAISE
RENAULT
Aurélien Charle / 16 août 2022

FASA-Renault 8 TS : La Gordini à l’aspartame.

Au milieu des années 1960, le marché espagnol n’était pas encore prêt à accueillir une auto populaire sur-vitaminée. La Fasa-Renault lança toutefois la Renault 8 TS, aux performances timidement dopées mais suffisantes pour se faire de belles frayeurs sur le réseau routier vétuste de l’époque et donner accès au sport auto à peu de frais. Elle connut un succès comparable à la mythique Gordini et eut même le toupet de lui survivre jusqu’en 1976 !
FRANÇAISE
RENAULT
PAUL CLÉMENT-COLLIN / 16 août 2022

Renault 15 et 17 : coupés décalés

Il fut un temps où lancer un coupé 4 places populaire ne relevait pas du rêve, mais bien de la réalité, un temps où les SUV n’existaient pas, pas plus que les monospaces. A cette époque, une ligne légèrement sportive trouvait sa place et sa clientèle, même avec de petits moteurs. Dans ces années 70 encore autophiles, malgré deux crises pétrolières en début et fin de décade, Renault n’hésitait pas à dériver pas moins de deux coupés de sa berline moyenne 12 sous les noms de 15 et 17 : deux voitures qui, mine de rien, trouvèrent près de 300 000 clients.
FRANÇAISE
RENAULT
Jean-Jacques Lucas / 16 août 2022

Renault 16 : pas monacale pour autant

Ses phares de format presque rectangulaire contribuent à la dater : des phares comme ceux des Ford Taunus (15M P6), comme ceux des Renault 10 modèle 68, puis des Renault 12 de 1969. La Renault 16 fut une auto de rupture dans l’offre automobile française des années 60, puisqu’elle bouleversait les conventions. Il fallait que l’automobile serve autant par ses fonctions explicites qu’implicites, en avoir pour son argent et son usage, gagner en autonomie. Le leitmotiv Renault des années 80 (« une voiture à vivre ») doit très largement à cette auto. La R16 est une jolie voiture, pimpante et lumineuse, multimodale par l’articulation et le chargement par l’arrière de l’habitacle. Renault entretiendra dès lors deux voies parallèles entre la berline bicorps (la R16, duo de R20 et R30, R25 et Safrane par la suite) et les berlines tricorps à moteur à l’avant (R12 à partir de 1969, continuée par la R18 voire la la R21). Entre les deux s’ouvraient des gammes médianes puisant aux deux familles avec la R14 (1976) puis les R11 et R9. 1 850 000 R16 produites entre 1965 et fin 1979, en presque 20 années, ne disqualifient d’ailleurs pas le quasi million de R14 produites en moins de huit années (1976-1983). Les compactes comme la R14 sont issues de cette pensée de la mobilité traduite par la R16 et sa contemporaine Simca 1100 dans un autre segment.
FRANÇAISE
RENAULT

Vendre avec CarJager ?