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Fiat Gingo : la renaissance involontaire de la Panda
PAUL CLÉMENT-COLLIN - 21 sept. 2020Vous souvenez-vous de la Gingo, ce nouveau modèle de Fiat présenté en 2003 et qui pourtant ne foulera jamais nos routes ? Allons, rappelez-vous, c’était au Salon de Genève. Vous ne voyez toujours pas ? Je vous vois vous triturer les méninges, tentant de vous rappeler la voiture dont je suis en train de vous parler. Pourtant c’était il n’y a pas si longtemps, et la marque italienne avait bien fait les choses, avec voitures sur présentoirs, le nom “Gingo” partout sur le stand et de nombreuses hôtesses pimpantes encore appréciées à l’époque. Vous ne voyez toujours pas ? Normal, cette Fiat Gingo n’arrivera jamais en concession, du moins sous ce nom-là. Voici son histoire.
De mémoire (et sauf erreur de ma part), cela n’était jamais arrivé. Du moins pas sous cette forme. Il y avait bien eu un précédent un peu différent en 1969, au Salon de Genève déjà. Cette année-là, le constructeur allemand NSU s’apprêtait à lancer sa nouvelle berline à traction avant, la K70, pour compléter sa gamme en-dessous de la Ro80, plus élitiste avec son moteur à piston rotatif. Les campagnes de publicité étaient déjà prêtes, tout comme les catalogues, et 23 exemplaires de présérie dotés du logo NSU avaient déjà été fabriqués pour les besoins de l’homologation et la présentation lors du salon suisse. Quelques exemplaires étaient déjà sous bâche, sur le stand, prêts à être présentés aux journalistes et au public. Pourtant, personne ne verra jamais cette K70 sous le logo NSU, et les voitures resteront cachées au public. En effet, Volkswagen et NSU venaient de trouver un accord, le premier rachetant le second en grandes difficultés financières. VW investissait dans la traction, et préférait tester le marché avec une K70 à son nom.
La Gingo pour remplacer la Panda
Dans le cas de Fiat en revanche, l’affaire s’avéra d’une autre teneur. La firme turinoise avait décidé de renouveler enfin son offre sur le marché de la petite voiture populaire. Sa petite Panda, toute vaillante qu’elle était, ne faisait plus le poids et accusait son âge : n’avait-elle pas été lancée en 1980 ! Pour remplacer sa puce, Fiat avait fait le pari de rester sur le créneau de la petite voiture mais d’offrir cette fois-ci cinq portes au lieu de trois, et un look un peu plus moderne malgré un petit air de famille (le côté “cube” sans doute). Au service marketing, on avait bien l’intention de faire table rase du passé. Le nom de Panda avait fait son temps et malgré les 4 491 139 exemplaires fabriqués en plus de 20 ans (sans compter sa cousine Seat Panda/Marbella) et sa cote de popularité intacte, hors de question de persister : il fallait du neuf.
Pour cela, il fallait à la nouvelle voiture un nouveau nom, bien à elle, sympa et fun mais incarnant le renouveau. On fit donc appel à une agence spécialisée pour trouver une appellation fun, sympa, en phase avec la bouille rigolote de la petite citadine. Que croyez-vous qu’il sortit du chapeau : je vous le mets dans le mille Émile, Gingo. Un nom qui ne voulait strictement rien dire et qui avait le mérite, croyait-on, de ne pas copier la concurrence. Banco pour Gingo, que Fiat prévoyait de produire à Tychy (où le constructeur assemblait déjà la Cinquencento puis la Seincento).
Les menaces de Renault prises à la légère
En mars 2003, le Salon de Genève semblait l’endroit idéal pour présenter la Gingo, pour une ouverture des prises de commandes début juillet et une commercialisation effective en septembre de la même année : la remplaçante de la Panda était sur les rails. Mise en avant sur le stand Fiat, elle séduisait par sa bonne bouille sans pour autant convaincre tout à fait. En premier lieu, les journalistes et observateurs professionnels se posaient une question : pourquoi abandonner le nom de Panda si ancré dans la mémoire collective et qui aurait tout à fait convenu à la dernière nouveauté italienne ? En coulisse, d’autres grinçaient des dents. Sur le stand Renault, on appréciait moyennement l’utilisation d’un nom proche de celui de leur petite citadine à eux, la Twingo. On ne se priva pas de le faire savoir aux Italiens qui, visiblement, prirent la menace à la légère.
De la Gingo à la Panda
Une fois le salon de Genève terminé, Fiat croyait pouvoir dérouler son programme sans accroc. Comme prévu, l’outillage se mettait en place : personne n’imaginait alors que la Gingo ne sortirait pas. Toutefois, le mois de juillet 2003 fut fatal à la petite Italienne. Pourtant, Fiat, partenaire du Tour de France, n’avait pas lésiné sur la communication, mobilisant une vingtaine de Gingo pour promouvoir tout au long du Tour la nouveauté. Tout était déjà prêt pour les concessions, des plaques d’immatriculation “GINGO” jusqu’aux livrets d’entretien. Chez Renault, on riait jaune : les Italiens n’avaient donc pas compris le message en mars. C’est avec beaucoup plus de fermeté que la firme au Losange s’apprêtait à répliquer, menaçant Fiat d’une longue bataille juridique.
Fin juillet, Fiat finissait par céder et Giuseppe Morchio, PDG du groupe italien, concédait du bout des lèvres que, tout compte fait, le nom de Panda n’était peut-être pas si mal. Finalement, le 13 septembre, date de lancement officielle, point de Gingo en concessions mais bel et bien des Panda, en tous points identiques, à l’appellation près. À l’image de Renault qui, des années auparavant (en 1971) avait dû retirer son nouveau logo sous la pression de la firme Kent. À Billancourt, on avait bien retenu la leçon !