Oldsmobile Aurora : l’erreur fatale
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Oldsmobile Aurora : l’erreur fatale

Par Paul Clément-Collin - 21/08/2022

Dans les années 90, GM, encore auréolée de son titre de 1er constructeur mondial, commençait à s’apercevoir qu’il s’agissait d’un trompe l’oeil, comme les chiffres de sa division Oldsmobile le montraient bien : en 1985, la marque doyenne dépassait le million d’exemplaires, alors qu’au début des années 90, elle vendait à peine 500 000 voitures. Autant dire que pour GM, il devennait urgent d’agir pour relancer Oldsmobile. Pour ce faire, elle lancera une étrange voiture, symptomatique de la gestion erratique de GM, l’Aurora.

Jusqu’à présent, Oldsmobile vivait essentiellement sur une clientèle âgée et traditionnelle, à laquelle on proposait des voitures statutaires et sages, comme la berline 88, la 98, ou la Cutlass, situées au cœur de la gamme ! Mais il fallait bien l’admettre : sans produit séduisant, cette clientèle finirait par se tarir. Il fallait absolument renouveler l’esprit « Oldsmobile » et partir en conquête avec une nouvelle voiture qui, selon GM, devait innover en terme de style tout en restant fidèle à la tradition de la marque. Pas évident comme affaire !

Depuis la fin des années 80, les japonais avaient lancé l’offensive dans le « premium » avec les marques Infiniti pour Nissan (lire aussi : Infiniti Q45), Lexus pour Toyota (lire aussi : Lexus LS400), ou Acura pour Honda, avec succès. Malgré l’échec du lancement d’Amati pour Mazda (lire aussi : Amati, la marque fantôme), GM se dit alors que Oldsmobile pouvait être son fer de lance contre cette invasion japonaise dans ce segment tutoyant le luxe. A Cadillac le luxe sportif, à Oldsmobile le premium, juste un cran en dessous.

C’était faire d’une pierre deux coups : dépoussiérer Oldsmobile et résister aux japonais ! Mais comme souvent avec GM, la stratégie n’était pas si claire que cela. Entre créer une nouvelle marque à même de contrer l’invasion, ou faire perdurer Oldsmobile, la direction n’a pas réussi à trancher… On se retrouva donc avec une Aurora dont le nom sonnait comme une marque, dépourvue de logo Oldsmobile, désarçonnant les amateurs traditionnels sans convaincre ceux tentés par les nouveaux blasons nippons.

Côté plate-forme, GM n’était pas allé cherché bien loin, offrant à Oldsmobile la même que la Buick Riviera, dénommée G-body, équipant par la suite la Park Avenue, la Cadillac Seville, ou la Pontiac Bonneville : une plate-forme moderne, certes, mais traditionnelle, bien que traction et non propulsion. Côté moteur, on ne lésina pas, en offrant à l’Aurora le V8 Northstar L47 de chez Cadillac, un moteur qu’on avait pu découvrir sur l’Allante (lire aussi : Cadillac Allante), dans une version développant ici 250 chevaux pour une cylindrée de 4 litres. Sans faire de l’Aurora une voiture de sport, on lui donnait un peu de watts, histoire de ne pas être en reste face à la concurrence, notamment la LS400 !

Oui, on tenta de rendre l’Aurora assez exclusive, avec seulement l’option V8. Pour la deuxième génération, on espéra faire un peu plus de volume en dérivant du V8 L47 un V6 LX5 de 3.5 et 215 chevaux, mais il ne restera que deux ans au catalogue sur l’Aurora, laissant à nouveau la place au seul V8. De toute façon, la relative discrétion de l’Aurora sur le marché n’était pas fondamentalement une question de moteur.

La vraie (la seule?) révolution de l’Aurora, qui se voulait être la « renaissance » d’Oldsmobile, c’était sans doute son design. En cette période des années 90 où le design automobile se cherchait un peu, GM et Oldsmobile étaient allé chercher du côté du tout mou, du fondu, un peu comme Ford à la même époque. Oubliant toute idée de dynamisme, ce design mollasson était présenté comme l’avenir de l’automobile : comme quoi en matière de design, rien n’est figé.

En réalité, la clientèle traditionnelle d’Oldsmobile, adepte des berlines les plus consensuelles possibles, ne comprenait pas vraiment le look de cette nouvelle voiture, bien loin de leurs envies basiques : représenter un certain conservatisme jusque dans sa bagnole. Le design de l’Aurora était bien trop audacieux, sans pour autant séduire de nouveaux clients. L’Aurora n’apportait rien de plus face aux nippones haut de gamme.

Elle abandonnait d’ailleurs son logo Oldsmobile pour n’arborer qu’un logo spécifique, un A stylisé, histoire de bien chambouler les habitudes. Ce n’était pas une nouvelle marque, et pourtant on faisait tout pour distinguer l’Aurora d’Oldsmobile : ou comment tuer une marque sans en faire naître une autre. En bref, l’Aurora ne se rattachait à rien, et son positionnement laissait gravement à désirer : au sein même du groupe, Cadillac était bien plus à même de lutter à armes égales avec Lexus qu’une Oldsmobile qui voulait taire son nom.

Sans défaut particulier, elle se révélait aussi sans avantage. Cette absence de choix suffit à déstabiliser anciens clients comme prospects. Certes, en 2001, on offrit à l’Aurora un lifting salutaire, avec un arrière plus conventionnel et plus dynamique, mais il ne fallait pas croire aux miracles : la seconde génération ne se vendit pas plus que la première, et finit par s’éteindre en avril 2003, précédent d’un an à peine l’arrêt définitif de la marque doyenne aux Etats-Unis.

Au total, seuls 208 011 exemplaires (136 289 de la première génération, de fin 94 à fin 2000, et 71 722 de la deuxième génération) seront produits, en presque 10 ans d’exercice : sur un marché de la taille des USA, c’était un désastre ! Les erreurs marketings d’une décennie finirent par tuer une marque déjà mal en point au début des 90’s. Reste une bagnole finalement attachante, par son design spécial, son haut niveau d’équipement, et son V8 Northstar plutôt plaisant…


Paul Clément-Collin

Paul Clément-Collin

Paul Clément-Collin est une figure reconnue du journalisme automobile français. Fondateur du site culte Boîtier Rouge, sacré meilleur blog auto aux Golden Blog Awards 2014 et cité parmi les médias auto les plus influents par Teads/eBuzzing et l’étude Scanblog Advent, il a ensuite été rédacteur en chef de CarJager et collaborateur de Top Gear Magazine France. Journaliste indépendant, spécialiste des voitures oubliées, rares, iconiques ou mal-aimées, il cultive une écriture passionnée et documentée, mêlant culture auto, design, histoire et anecdotes authentiques, et intervient également sur des événements majeurs comme le Mondial de l’Auto.

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