Steinwinter Supercargo : la révolution du fret n'aura pas lieu
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Steinwinter Supercargo : la révolution du fret n'aura pas lieu

Par Paul Clément-Collin - 11/08/2017

Je l’avoue, je n’ai pas le permis poids-lourds. Cela ne m’empêche pas d’en admirer certains, qui peuplent de ci de là les pages de Boîtier Rouge. Mais il y en a un, tout droit sorti des réserves secrètes du Leader (du moins, je me l’imagine comme ça), qui me fait vraiment de l’effet : le Steinwinter Supercargo !

C’est quoi ce truc diront certains ? Bah, tout simplement un camion révolutionnaire, sans doute trop peut-être, enfin plutôt un « tracteur » comme on dit : un truc bien barge qui aurait pu marcher, mais qui évidemment ne deviendra jamais un best-seller. « Et ouais mon gars, les bonnes idées, ça ne marche par à tous les coups ».

Ce Supercargo, c’est un certain Manfred qui en a l’idée. Oh, il n’est pas le premier, d’autres auront aussi tenté de toucher le jackpot en révolutionnant le transport routier. Mais Manfred Steinwinter, lui, « y croit à mort » ! L’idée est simple : les standards européens imposent une longueur maximales aux camions et à leur remorque ! Aux States, c’est juste la remorque qui est limitée, tandis qu’en Australie, pays de l’immensité, on ne s’embarrasse même pas d’une longueur minimale, les camions devenant des trains. Mais en Europe, oula, on mesure, on réglemente, on tatillonne. Et tout cela, c’est un peu de sécurité perdue (les cabines avancées, vous pensez bien que c’est pas pour faire joli) et surtout beaucoup de pognon perdu !

L’idée de Manfred est donc toute bête : si on peut pas changer la réglementation, il faut changer les tracteurs pour pouvoir transporter plus de fret. Pas con le gonze, il a observé les tracteurs d’aéroport, ou bien les camions grues ! La voilà l’idée « qu’elle est bonne » : on fourre la cabine sous la remorque ! Bin oui quoi !

L’IAA de Francfort est un bon endroit pour présenter des nouveautés, même dans l’utilitaire ou le poid-lourd. Pif paf, le Manfred nous surprend tous en 1983 avec son Supercargo. Le pire c’est que j’avais 8 ans à l’époque, et que je m’en souviens encore. Avec son logo plagiant Ferrari (on dit que c’est tout bêtement l’emblème de Stuttgart stylisé, moi j’y vois quand même un signe), l’appui de Mercedes-Benz jamais loin des bons coups, le Steinwinter Supercargo est présenté à la presse comme au public !

Le moteur est donc un « Benz », avec 280 ch, placé entre les deux essieux. La boîte 16 rapports est une ZF, on reste entre allemands ! Au catalogue, des évolutions allant de 170 à 700 chevaux, en fonction de la charge. Le truc, enfin, le tracteur, vient se placer « sous » la charge, la remorque, prévue à cet effet. Double avantage : maniabilité accrue, et tonnage de fret supérieur grâce à l’utilisation de toute la longueur autorisée pour fourrer du fret en veux-tu en voilà.

Sauf que bon, hein, les bonnes idées c’est bien, mais encore faut-il les vendre. Premier problème, et non des moindres : cela veut dire que les bonnes vieilles remorques d’alors doivent être changée, à tracteur spécifique, remorque spécifique. Un surcoût que les compagnies de transport ne sont pas prêtes à payer. Dans le même ordre d’idée, l’engin n’est pas vraiment adapté à la longueur standard des conteneurs. Of course, Manfred Steinwinter y pensera, avec un conteneur sur la tête, et une remorque articulée derrière, pour pouvoir s’adapter à la standardisation du transport routier et maritime. Mais bon, c’est un frein quoi.

Ensuite, le deuxième problème : le partenaire du début, Mercedes, n’y croit plus. Sans l’appui d’un grand constructeur, prêt à révolutionner le marché, et avec un peu de pépettes, ça devient plus difficile. DAF y a bien songé, tout comme Isuzu : s’associer à Manfred, « why not » ? Mais bon, un poil compliqué tout cela.

L’ami Manfred tentera de décliner le Supercargo en Bus… sans succès

Troisième problème : les routiers eux-même. Princes de la route, ils apprécient la hauteur de vue, propice à la réflexion, mais aussi à la domination. Se retrouver plus bas que terre ne les enchante guère. Pourtant, l’ami Manfred avait pensé à tout, avec une cabine d’un confort (voire d’un luxe) inégalé jusqu’alors. Ouais mais bon, t’es gentil « vieux », mais se retrouver plus bas qu’un enjoliveur de Renault 5, ça le fait pas quand on circule sur le ruban. Et puis la « tehon » au Routier du coin, même si bon, les routiers sont sympas !

Et puis bon, un tel système aurait nécessité à par mal de chauffeurs de revoir leurs notions de conduite. Pas forcément pratique pour négocier un virage serré, le Steinwinter Supercargo ! Entre 1983 et 1987, Manfred va tenter de convaincre tout le monde, routiers, financiers, entrepreneurs du fret, constructeurs, sans succès. Il finira par jeter l’éponge malgré des tentatives de diversification, notamment en autocar (oui, cela permettait d’embarquer plus de monde). Tant pis, le Supercargo n’aura pas révolutionné le monde du transport. Reste un proto bien mal en point, qui pourrit sur son parking !

Paul Clément-Collin

Paul Clément-Collin

Paul Clément-Collin est une figure reconnue du journalisme automobile français. Fondateur du site culte Boîtier Rouge, sacré meilleur blog auto aux Golden Blog Awards 2014 et cité parmi les médias auto les plus influents par Teads/eBuzzing et l’étude Scanblog Advent, il a ensuite été rédacteur en chef de CarJager et collaborateur de Top Gear Magazine France. Journaliste indépendant, spécialiste des voitures oubliées, rares, iconiques ou mal-aimées, il cultive une écriture passionnée et documentée, mêlant culture auto, design, histoire et anecdotes authentiques, et intervient également sur des événements majeurs comme le Mondial de l’Auto.

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