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Technamm Masstech T4 : des Toyota Land Cruiser pour l'Armée Française
PAUL CLÉMENT-COLLIN - 16 déc. 2017Le feuilleton du remplacement de la Peugeot P4 (le projet VLTP, soit Véhicule Léger Tactique Polyvalent) n’en finit pas de rebondir. Le premier épisode avait fait couler beaucoup d’encre avec la commande de 1000 exemplaires du Ford Ranger (lire aussi : Ford Ranger de l’armée de Terre) destinés à une utilisation rapide dans le cadre de l’opération Sentinelle. Beaucoup y avait vu trop rapidement le remplaçant du P4 alors qu’il ne s’agissait que d’une opération d’urgence en attendant le vrai VLTP. Le deuxième épisode avait vu la sélection du Ford Everest dans sa version préparée par le français ACMAT (lire aussi : Ford Everest): il s’agit là du véritable VLTP, commandé à 3700 exemplaires. Mais le troisième épisode a vu la sélection d’un autre véhicule, le Technamm Masstech T4, une sorte de VLTP de transition dont nous allons parler aujourd’hui.
Les Ford Ranger choisis répondaient à une situation d’urgence (remplacer des véhicules loués pour l’opération Sentinelle), et n’étaient en aucun cas des véhicules tactiques, mais avaient l’avantage d’une disponibilité quasi immédiate. Les Everest réalisés par ACMAT (sous le nom commercial de ACMAT Light Tactical Vehicle – ALTV – Station Wagon) quand à eux ne pouvaient être livrés qu’à partir de début 2018 (les 98 premiers exemplaires sont attendus le 23 janvier, et environ 500 devraient être livrés durant l’année). Or certaines unités avaient des besoins urgents d’un VLTP rustique en remplacement des P4 à l’agonie, et de certains Defender. Il fut donc décidé fin 2016 de commander une tranche de 500 véhicules rapidement livrables, plus polyvalents que le Ranger, et proches des caractéristiques de l’Everest.
Le Toyota HZJ76 servant de base au Technamm Masstech T4Cette fois-ci, le vainqueur du marché ne s’appelait pas Ford, mais Toyota, via l’entreprise française Technamm, basée près d’Aix en Provence. Ce spécialiste de la transformation de véhicules à destination des collectivités locales, des pompiers, des polices municipales ou de la Gendarmerie avait déjà travaillé pour l’Armée de Terre, en adaptant les VAC (véhicules à chenille) de la société suédoise Alvis Hägglund pour la 27ème Brigade d’Infanterie de Montagne.
Livraison des T4 à la 12ème BSMAT de SatoryPour répondre à la demande rapide, Technamm a proposé un véhicule qu’elle adapte déjà par ailleurs, le Toyota HZJ76 renommé pour l’occasion Masstech T4. Les véhicules sont fabriqués au Japon par Toyota dans une configuration spécifique permettant une mise en conformité au cahier des charge aisée en France. Les voitures sont livrées à Technamm, qui assure la militarisation du HZJ76. Les véhicules sont ensuite envoyés à Bourges pour passage aux Mines par la DGA, puis expédiés à Satory à la 12ème BSMAT pour perception puis livraison des véhicules aux régiments concernés.
Les Masstech T4 sont équipés du moteur Toyota d’origine, un 6 cylindres en ligne Diesel de 4.2 litres et 130 chevaux. Il s’agit d’un véhicule rustique, loin de la modernité de l’Everest, mais qui permet d’obtenir un véhicule transitoire relativement peu cher (70 000 euros, comprenant la maintenance et les pièces sur la durée de vie du véhicule, dont 60 % valorisés en France pour Technamm, le solde allant à Toyota).
Le Masstech T4 n’est pas un véhicule de guerre à proprement parlé. Il est équivalent au Standard 2 de l’ALTV SW, c’est à dire la version susceptible de partir en Opex (opérations extérieures) mais sans blindage. Il équipera un certain nombre d’unités dans le cadre de l’opération Sentinelle, mais aussi d’autres pour leurs besoins spécifiques. Le 2ème Régiment Etranger de Parachutistes a été la première unité à percevoir le T4 en mai dernier, suivis ensuite par d’autres (les unités de la Brigade du Renseignement apparemment (?): le 28ème Groupe Géographique, le 2ème Régiment de Hussards, les 44ème et 54ème Régiments de Transmissions) jusqu’à atteindre 94 véhicules livrés au 9 novembre 2017. La livraison des 500 exemplaires prendra fin normalement en mai 2018.
Officiellement, on parle de véhicules permettant de remplacer les P4 pour l’opération Sentinelle, mais c’était pourtant le rôle dévolue aux Ford Ranger. Or ces T4, s’ils ne sont pas blindés, ressemblent beaucoup plus à des véhicules destinés au combat et aux Opex. Sa rusticité, ses capacités tout-terrain, ses aménagements (notamment les portes FAMAS, les plaques de désensablement, les équipements de communication) laissent plutôt entrevoir une utilisation loin du bitume des grandes villes. D’ailleurs, les premières unités livrés ou pressenties sont des unités spécifiques (axées vers la recherche du renseignement, comme les unités de la Brigade du Renseignement, ou l’action, comme le 2ème REP). Enfin, il s’agit d’un engin relativement ancien, avec seulement 3 étoiles au crash-test NCAP, et nécessitant une dérogation pour rouler en métropole, puisque ne répondant qu’à la norme Euro 3. Autant de petits détails qui prouvent que les T4 sont bien là pour palier aux délais de livraisons des ACMAT ALTV SW (il se murmure que son petit nom « Armée de Terre » sera Lynx).
S’il a fallu compléter la commande de long terme (ACMAT) par cette commande d’urgence, c’est sans doute parce que la décrépitude du parc de P4 a été plus rapide que prévue : il faut dire que les nombreuses opérations notamment en Afrique ont mis à rude épreuve des matériels déjà bien rincés, obligeant l’Armée de Terre à cette solution transitoire. Se doter de deux véhicules aux missions différentes mais disposant de nombreuses pièces communes était une bonne idée, mais c’était sans compter la réalité du terrain. Dans cette période transitoire, l’Armée qui voulait unifier ses VLTP se retrouve avec un parc comprenant encore des vieilles P4, des Land Defender, des Ford Ranger, des Toyota-Technamm, et bientôt les ACMAT-Ford Everest (même si à terme, ne resteront que les deux Ford et le Toyota) : un joyeux bordel de 5 VLTP différents !