Volkswagen : le hoax des clés nazies !
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Volkswagen : le hoax des clés nazies !

Par Paul Clément-Collin - 17/09/2015

Quand on fait un site comme Boîtier Rouge, on est souvent assailli de questions sur telle voiture, telle anecdote, ou tel détail particulier. Impossible de tout savoir et bien souvent mes articles sont le fruit de recherches approfondies : je n’ai pas réponse à tout ! Pourtant, lorsque l’on me pose une question intéressante et que je sèche, je me mets en quête de trouver la solution. Aussi, lorsqu’un vieil ami m’a demandé si je connaissais la raison des initiales HA ou HAA gravées sur les clés Volkswagen, je me suis mis en chasse d’info !

Quelle ne fut pas ma surprise de m’apercevoir qu’un peu partout sur les forums auto, on parlait le plus sérieusement du monde de l’origine nazie de ses initiales, sous-entendant que Volkswagen serait encore discrètement nostalgique du IIIème Reich : ces initiales seraient celles d’Hitler (HA : Hitler Adolf, ou HAA : Hitler Adolf Aloïs). Je vais tenter aujourd’hui de vous montrer qu’il s’agit bien d’un « hoax », une rumeur, une légende urbaine digne du paquet de Marlboro et du Ku Klux Klan.

Les débuts nazis de la KdF Wagen, qui ne sera produites qu'à quelques exemplaires entre 1938 et 1945 !Les débuts nazis de la KdF Wagen, qui ne sera produites qu’à quelques exemplaires entre 1938 et 1945 !

La première erreur vient d’une méconnaissance de l’histoire de l’entreprise Volkswagen. On ne peut nier que des liens existaient bien entre Ferdinand Porsche et Hitler, puisque l’ingénieur répondit au souhait du führer de créer une voiture destinée au peuple, la future «Typ 1» (qui deviendra affectueusement Käfer en allemand, Beetle en anglais, Coccinelle en français, ou Fusca au Brésil). Il s’agissait de proposer une voiture simple, efficace et pas chère pour motoriser le peuple allemand, d’où le nom de VolksWagen (voiture du peuple). C’est sous la houlette de l’organisation nazie KdF (Kraft durch Freude, le « travail par la joie ») que fut lancé l’appel d’offre pour cette KdF Wagen. C’est la proposition de Ferdinand Porsche qui l’emporte, et en 1938 est lancée la société Volkswagenwerk GmbH. La construction de l’usine destinée à la production de la KdF Wagen commencera en mai 1938 dans la ville nouvelle de KdF Stadt (qui deviendra en 1945 Wolfsburg).

Entre 1938 et 1945, très peu d’exemplaires de la KdF Wagen sortiront des chaînes, l’usine se recentrant rapidement sur un véhicule militaire destiné à la Wermarcht, le Kübelwagen ! Bref, c’est à la fin de la guerre que les choses commencent à devenir marrantes, puisque les vrais début de l’entreprise Volkswagen en tant que constructeur de voitures civiles sont dus à… un anglais qu’on ne peut pas taxer de nazisme : Ivan Hirst.

Ivan Hirst, l'anglais qui relança la Volkswagen !Ivan Hirst, en civil, l’anglais qui relança la Volkswagen !

Officier du génie de l’armée britannique, Hirst intègre Royal Electrical and Mechanical Engineers (REME) en novembre 1942, et rejoint KdF Stadt au printemps 1945 lorsque l’armée britannique libère la ville (aussitôt rebaptisée Wolfsburg donc, le 26 mai). Son job ? Utiliser les usines présentes à Wolfsburg pour le compte du REME avec deux objectifs : réparer les matériels ennemis récupérés, afin de s’en servir en ces temps où chaque véhicule compte ; et réparer les matériels alliés par la même occasions. Malgré les bombardements, l’usine Volkswagenwerk est encore utilisable, et les outils de production intacts. Mais le premier boulot de Hirst sera de déminer l’usine, une bombe s’y trouvant encore, n’ayant pas explosé à l’impact. C’est en tout cas sous l’impulsion de Hirst, conquis par les châssis Volkswagen, que la production de la KdF Wagen renommée Volkswagen va redémarrer, pour le compte des britanniques administrateurs de la zone ! Rejoins par un autre ingénieur de l’armée fondu d’automobile, le Colonel Charles Radclyffe, il va contribuer à reconstruire les fondations du futur géant de l’automobile.

Les premières Volkswagen seront destinées à l'armée britannique !Les premières Volkswagen seront destinées à l’armée britannique !

L’usine Volkswagen devait être récupérée par un industriel « allié » à titre de dédommagement de guerre. Lorsqu’en 1948, Hirst et Radclyffe cherchèrent un « repreneur », aucun n’en voulut ! Sir William Rootes ira même jusqu’à dire que « construire une telle voiture serait un non sens économique ». Henry Ford II fera le déplacement à Wolfsburg mais déclinera lui aussi la proposition pourtant gratuite. C’est ainsi que Volkswagen sera tout bonnement repris par le Lander de Basse Saxe, avec à sa tête un ancien cadre de chez Opel, Heinz Nordhoff  : une sorte de nationalisation. Autant dire que les origines nazis, après une utilisation et un relancement exclusivement britannique, étaient passées de mode depuis longtemps. On peut toujours creuser dans l’histoire pour dire que Volkswagen était une entreprise nazie (ce qui est une évidence puisque dès le début, elle était une entreprise sous l’emprise du parti), mais ce serait faire un raccourci que l’étude plus profonde de l’histoire permet de balayer. Le Volkswagen nouveau qui émerge en 1948 n’a plus rien de nazi !

L'usine va produire pour les anglais avant d'être cédée au Lander de Basse Saxe en 1948 !L’usine va produire pour les anglais avant d’être cédée au Lander de Basse Saxe en 1948 !

Revenons à nos clés : puisque un grand nombre de gens ne fouillent pas l’histoire et font des raccourcis, l’apparition des lettres HA et HAA sur les clés Volkswagen ne pouvait être qu’un message subliminal nazi ! Pourtant, là encore, si les gogos en tout genre se renseignaient un peu, ils sauraient que les clés et serrures ne sont pas fabriquées par Volkswagen. En l’occurence, le fournisseur depuis les années 50 s’appelle HuF. Kezako ? Tout simplement les initiales de Hülsbeck und Fürst GmbH, entreprise créée en 1908 par Ernst Hülsbeck and August Fürst en 1908. L’entreprise commença à livrer en serrures et clés Mercedes Benz dans les années 20, pour devenir aujourd’hui l’un des principaux fournisseurs de l’industrie automobile avec pour clients l’ensemble des marques du Groupe Volkswagen, mais aussi Mercedes, BMW, Volvo, Peugeot ou Hyundai ! La marque HuF ne fut pas particulièrement nazie.

Heinz Nordhoff prit la succession de Hirst en 1948, et venait de chez Opel !Heinz Nordhoff prit la succession de Hirst en 1948, et venait de chez Opel !

Mais alors, pourquoi ces lettres, HA ou HAA ? Il s’agit tout simplement de lettres référençant les types de clés. On trouve des clés VW fabriquées par HuF avec d’autres référence : A, L, VA, H, SC et il en existe sûrement d’autres. Il est donc faux de dire que « toutes les clés VW » ont un HA ou HAA gravés, même si elles sont les relativement courantes.

J’espère désormais que la légende urbaine cessera de hanter le web francophone et si on vous pose la question, vous pourrez alors contribuer à la faire mourir : pour savoir la vérité, il suffit parfois de chercher !

Le site de HuF aujourd’hui: http://www.huf-group.com/companies/huf-huelsbeck-fuerst.html


Paul Clément-Collin

Paul Clément-Collin

Paul Clément-Collin est une figure reconnue du journalisme automobile français. Fondateur du site culte Boîtier Rouge, sacré meilleur blog auto aux Golden Blog Awards 2014 et cité parmi les médias auto les plus influents par Teads/eBuzzing et l’étude Scanblog Advent, il a ensuite été rédacteur en chef de CarJager et collaborateur de Top Gear Magazine France. Journaliste indépendant, spécialiste des voitures oubliées, rares, iconiques ou mal-aimées, il cultive une écriture passionnée et documentée, mêlant culture auto, design, histoire et anecdotes authentiques, et intervient également sur des événements majeurs comme le Mondial de l’Auto.

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