Rolls-Royce Phantom "Goldfinger" : soixante ans de légende
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Rolls-Royce Phantom "Goldfinger" : soixante ans de légende

Par Nicolas Fourny - 08/11/2024

« Construite sur la base de la Phantom Extended, l’auto recèle de nombreux clins d’œil et références au film, à commencer par son bicolorisme noir/jaune »

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Quand les petrolheads évoquent Goldfinger, le troisième film de la série des James Bond sorti en 1964, ils songent bien sûr avant tout à la mythique Aston Martin DB5, qui y fit sa première apparition. Truffée de gadgets inouïs il y a soixante ans – du siège éjectable aux mitrailleuses dissimulées derrière les clignotants en passant par l’écran pare-balles –, l’objet a depuis longtemps transcendé son statut d’automobile pour devenir l’un des principaux jalons de la légende bondienne, à tel point que la firme de Gaydon a récemment présenté une DB12 « Goldfinger Edition » destinée à commémorer l’anniversaire du film. Mais Aston n’est pas le seul constructeur désireux de s’associer aux festivités : voici déjà plusieurs années que Rolls-Royce a entrepris, dans le plus grand secret, de rendre hommage à une autre voiture négligée par la mémoire collective mais très présente dans le film : nous avons nommé la Phantom III Sedanca de Ville d’Auric Goldfinger lui-même !

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Live and let drive

Sans avoir l’air d’y toucher, les Rolls-Royce ont participé aux aventures de l’agent 007 à de nombreuses reprises, mais sans jamais jouer les premiers rôles, à l’évidence réservés aux Aston précitées, aux Lotus, voire même, dans les années 1990, à un trio de BMW… Ainsi, dans From Russia with love (1963), Kerim Bey promène Bond dans les rues d’Istanbul à bord d’une Silver Wraith de 1958. Dans On Her Majesty’s secret service, en 1969, on peut admirer assez longuement l’élégante carrosserie d’une Silver Shadow Drophead Coupé et, sans prétendre à l’exhaustivité, la firme de Crewe aura également eu les honneurs de A view to a kill (1985) puis de Licence to kill quatre ans plus tard – sans oublier la Silver Wraith de 1948 fugitivement aperçue dans Spectre (2015). Il est assez symptomatique que noter que, dans tous ces films, que les Rolls appartiennent aux adversaires ou aux alliés de Bond, celui-ci n’en prend jamais le volant – ces machines hiératiques, majestueuses, encombrantes et dépourvues de toute sportivité ne siéent guère à l’image de l’espion le plus célèbre du monde, grand amateur de GT nerveuses et rapides. En revanche, elles sont tout à fait adaptées aux traits de caractère que l’on associe volontiers aux génies du mal que 007 passe son temps à combattre : quand on veut dominer le monde, quoi de mieux que the best car in the world ?

Une randonnée européenne

Auric Goldfinger est un méchant à part dans l’histoire de James Bond. On ne lui connaît aucune affiliation avec Spectre (l’organisation criminelle dirigée par le sinistre Ernst Stavro Blofeld et qui intervient dans tous les autres films de la série jusqu’en 1971). Immensément riche, l’homme – incarné par l’acteur allemand Gert Fröbe – n’agit qu’en fonction de ses seuls intérêts et ne rend de comptes à personne. Dans l’un de ses dialogues avec Bond – l’extrait qui suit a été gravé au revers du portillon de la boîte à gants dans la Phantom à lui dédiée –, il déclame : « This is gold, Mr. Bond. All my life, I have been in love with its colour, its brilliance, its divine heaviness ». Son plan (forcément machiavélique) consiste à faire exploser une bombe atomique au cœur de la réserve d’or des États-Unis, à Fort Knox, de manière à accroître par ricochet la valeur de son propre stock de métal précieux. Bien avant de le découvrir, Bond va tout d’abord se lancer à la poursuite de Goldfinger à travers l’Europe et leur première rencontre se déroule sur un terrain de golf sis à Stoke Park, dans le Buckinghamshire. C’est là qu’apparaît pour la première fois la Phantom III de 1937, carrossée par Barker et que l’on va ensuite retrouver sur les routes suisses, inlassablement traquée par la DB5 de l’agent secret. Ensuite, dans l’usine helvétique de Goldfinger, l’auto est entièrement démontée par ses sbires afin de refondre l’or dont sa carrosserie est constituée…

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Les Phantom ne meurent jamais

Jusqu’à l’apparition de la Silver Seraph, en 1998, la Phantom III sera longtemps restée la seule Rolls à moteur V12. Présentée en 1936 et construite à seulement 727 unités, la fabrication de son châssis s’interrompra en 1939 et ne reprendra pas après la guerre – elle sera remplacée par la rarissime Phantom IV nantie pour sa part d’un huit-cylindres en ligne. S’ensuivront les Phantom V et VI dérivées de la Silver Cloud, exclusivement animées par le célèbre V8 maison et dont le dernier exemplaire quittera les ateliers londoniens de Mulliner Park Ward à la fermeture de ceux-ci, en 1991. Il faudra attendre le rachat de la marque par BMW, l’édification d’une toute nouvelle usine à Goodwood puis le lancement des premières Rolls-Royce germano-britanniques pour que le nom de Phantom rayonne à nouveau au firmament de la construction automobile. Présentée en 2003, la Phantom VII réinterprète les volumes de sa lointaine devancière en les modernisant, non sans une forme de gigantisme brutal qui n’a pas suscité que des commentaires élogieux, notamment de la part des collectionneurs de Rolls-Royce old fashioned… Quatorze ans après, le modèle a cependant été renouvelé et c’est sur la base de la Phantom VIII (appellation officieuse) que l’usine de Goodwood a élaboré la nouvelle « AU 1 ». Il s’agit là de l’immatriculation de la Phantom III de Goldfinger – les lettres « AU » faisant tout à la fois référence au prénom de l’intéressé et au symbole chimique de l’or. Mécaniquement semblable au modèle de série (si l’on ose écrire) – pour mémoire : 5,76 mètres de long pour 3,55 mètres d’empattement (châssis court), V12 6,75 litres biturbo de 571 ch, quatre roues directrices –, la Phantom VIII gréée pour l’occasion la reproduit donc sur ses plaques minéralogiques.

Attention, exemplaire unique

Construite sur la base de la Phantom Extended (5,98 mètres de longueur pour 3,77 mètres d’empattement), l’auto recèle de nombreux clins d’œil et références au film, à commencer par son bicolorisme noir/jaune identique à celui de son aînée et les enjoliveurs de roues flottants évoquant ceux de la Phantom III. Le festival se poursuit à l’intérieur, où le meuble de bord comporte une incrustation de la carte du Furkapass, théâtre le plus marquant du périple de la Phantom III originelle. Et l’or ne manque pas à bord, du club de golf réplique exacte de celui de Goldfinger aux enceintes et aux aérateurs, en passant par le lingot de 18 carats en forme de Phantom Speedform abrité dans un compartiment secret de la console centrale. Si vous levez les yeux, vous pourrez contempler le Starlight Headliner commun dans son principe aux autres Rolls-Royce – sauf qu’ici, il reproduit la constellation d’étoiles visible dans le ciel au-dessus du Furkapass le 11 juillet 1964, c’est-à-dire le dernier jour de tournage de Goldfinger en Suisse. Enfin, les tables de pique-nique arborent une carte de Fort Knox faisant référence à celle utilisée dans le film. On l’aura compris, absolument rien n’a été laissé au hasard pour combler l’heureux possesseur de cette automobile exceptionnelle à plus d’un titre et qui, sous tous les angles, exsude une réconfortante nostalgie. Nous rédigeons bien au singulier car la Phantom « Goldfinger » est ce qu’on appelle un one-off. En théorie, il n’y en aura donc qu’une seule mais, si vous le demandez gentiment, Rolls-Royce consentira peut-être à vous en fabriquer une autre…

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6749 cm3Cylindrée
571 chPuissance
250 km/hVmax
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Nicolas Fourny

Nicolas Fourny

Nicolas Fourny est rédacteur indépendant pour Car Jager, diplômé de l'ESJ Paris (École Supérieure de Journalisme). Passionné par l'automobile sous toutes ses formes, il explore le passé et le présent des plus grandes mécaniques avec une plume exigeante et documentée. Nicolas met son expérience journalistique au service d'une écriture à la fois précise, évocatrice et fiable. Chaque article est le fruit d'une recherche approfondie et d'un regard passionné, porté par une connaissance fine de l'histoire automobile. Rigueur, style et curiosité guident son travail, dans une quête permanente de justesse éditoriale, au service des lecteurs exigeants et des passionnés.

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