Le Rolls-Royce Cullinan est-il cool ?
Classics
Anglaise
Suv

Le Rolls-Royce Cullinan est-il cool ?

Par Nicolas Fourny - 02/04/2024

« Par sa capacité à vous isoler du monde extérieur, par le luxe capiteux de ses aménagements, le Cullinan est indéniablement une vraie Rolls, que l’on apprécie sa physionomie ou non »

rolls-royce-cullinan-2019-cars-2k-suv-wallpaper-b733936eff98f30f4a2cd2cf2326764d.jpg

Depuis sa présentation en 2018, et à l’instar du Bentley Bentayga, le Cullinan suscite la polémique, celle-ci se nourrissant de multiples assertions tantôt sincères, tantôt provocatrices. « Ce n’est pas une vraie Rolls », « C’est laid », « C’est vulgaire », « C’est une bagnole de footballeur ou d’oligarque », « Cela ne vaut pas une Range Rover », « Même la FSO Polonez est mieux dessinée que ce truc », j’en passe et des meilleures. Commercialement en tout cas, la pertinence de l’engin ne se discute pas : en 2023, il s’est encore une fois agi du modèle le plus vendu de la marque. Philosophiquement, c’est une autre affaire – mais il est vrai que les Rolls-Royce contemporaines (c’est-à-dire celles qui ont été conçues sous l’égide de BMW) ne sont pas des automobiles consensuelles, bien des amoureux de la marque leur reprochant, pour parler par euphémisme, un certain manque de finesse esthétique et un luxe trop tapageur à certains égards. Pour autant, la clientèle visée, quant à elle, ne s’intéresse que très modérément à ces considérations. Cela devrait-il inciter les puristes à réexaminer leurs sentiments vis-à-vis du premier SUV frappé du double R ?

rolls-royce-cullinan-2019-cars-suv-4k-wallpaper-48564d281090fc7830cc814ef86294ba-scaled.jpg
rolls-royce-rolls-royce-cullinan-car-full-size-car-wallpaper-897068bd815aed8b8647985fc0b1c6bd.jpg
rolls-royce-cullinan-4k-2019-cars-suv-wallpaper-eca9ee6fab99732f160e28c358a42b2c-scaled.jpg

Orgueil et préjugés

L’auteur de ces lignes doit le confesser : instinctivement, je n’ai jamais beaucoup aimé cette auto mais, comme chacun sait, réfléchir c’est penser contre soi-même et il est toujours utile de mettre ses convictions à l’épreuve du réel. C’est ainsi que, de façon inattendue, je me suis retrouvé pour quelques heures au volant d’un Cullinan, en m’efforçant de laisser mes préjugés au vestiaire et d’adapter mes réflexes de vieux boomer au monde actuel – celui où, rappelons-le, les SUV représentent désormais la moitié des ventes en Europe, tous segments de marché confondus, des marques les plus populaires aux plus prestigieuses, couvrant de la sorte un spectre concurrentiel absolument inédit depuis l’après-guerre. De Dacia à Lamborghini, presque tout le monde s’y est mis et il ne faut pas longtemps pour énumérer les constructeurs ne comptant aucun modèle de ce type dans leur catalogue – même Lotus, victime d’une stratégie funeste, y a succombé. Ce phénomène est sans précédent ; par exemple, avant la déferlante des SUV, crossovers et apparentés, nous avions connu l’ère des monospaces – mais, en ce temps-là, ni Porsche, ni Ferrari, ni Aston Martin ni aucune autre marque de ce calibre n’avaient éprouvé le besoin de livrer leur interprétation d’un concept apparu presque simultanément chez les constructeurs de masse que sont Chrysler et Renault. Au demeurant, il est intéressant de noter que la clientèle actuelle des SUV généralistes correspond à peu près à celle qui achetait des monospaces à tour de bras il y a vingt ans ; en revanche, pour un constructeur comme Rolls-Royce, il n’existe évidemment aucune antériorité de ce point de vue. Alors, comment expliquer le succès d’une machine aussi incongrue que le Cullinan ?

Mieux qu’une Range Rover ?

Incongrue, oui – car, pour qui connaît l’histoire de Rolls, firme censée, depuis 120 ans, produire les « meilleures voitures du monde » et qui est à l’industrie automobile ce que les Windsor sont à l’aristocratie, même un break eût été strictement inenvisageable il y a encore dix ans ; alors, un SUV, vous pensez… Tout au long du XXe siècle, Rolls-Royce a proposé des berlines, des limousines, des cabriolets, des coupés et, si vous souhaitiez quelque chose de plus original, il fallait vous tourner vers des artisans comme Harold Radford ou Robert Jankel, toujours prêts à réaliser des conversions plus ou moins heureuses sur le plan esthétique mais qui présentaient le précieux avantage de l’exclusivité, cette considération l’emportant d’ailleurs très nettement sur des notions plus triviales telles que la capacité d’emport ou la charge utile, réservée aux propriétaires de breaks Opel Rekord ou Peugeot 504. Et puis, bien sûr, à partir de 1970 une certaine Range Rover a brillamment démontré que les performances et le confort n’étaient pas incompatibles avec la polyvalence d’usage et de réelles capacités en tout-terrain, l’engin devenant de surcroît de plus en plus luxueux au fil des millésimes et des générations, à tel point que son itération contemporaine rivalise sans peine avec des berlines comme la Mercedes-Maybach Classe S. Feue la reine Elizabeth II ne cachait d’ailleurs pas son attachement personnel pour sa Range L322, qu’elle conduisait volontiers elle-même et semblait préférer aux berlines Rolls, Jaguar ou Bentley qui encombraient ses garages… Toujours est-il qu’à partir de la fin des années 1990, les Allemands ont suivi l’exemple de la voiture britannique et la BMW X5 ou la Porsche Cayenne ont amorcé une irrésistible montée en gamme dont le Cullinan constitue l’apogée.

rolls-royce-cullinan-rolls-royce-2019-cars-cars-wallpaper-c1a4ee43e23bf39d3589d474250a6792-scaled.jpg

La parole est à l’accusation

Naturellement, personne n’a besoin d’un Cullinan – mais, après tout, on peut en dire autant des Ghost et Phantom qui complètent le catalogue R-R actuel, voire même de n’importe quel objet de luxe, le luxe étant par essence inutile. Chez Rolls comme ailleurs, le marketing s’avère redoutablement doué lorsqu’il s’agit de fabriquer de l’envie en partant de rien ou en surfant sur un effet de mode (ce qui, en définitive, revient au même). L’immense majorité des SUV qui peuplent nos routes ne quittant pour ainsi dire jamais le goudron, la plupart des conducteurs d’Aston Martin DBX ou de Citroën C3 Aircross n’ont pas l’usage de la garde au sol plus ou moins rehaussée que ces modèles arborent pourtant comme un brevet destiné à démontrer leurs capacités à vivre des aventures hypothétiques. Il en va de même pour le Cullinan, qui culmine à 1,83 mètre là où une Phantom – dont le gabarit est pourtant fort respectable – ne dépasse pas les 165 centimètres. Le SUV Rolls (je frissonne presque en écrivant ces mots) coche donc consciencieusement toutes les cases de la tribu qu’il couronne : il y a une transmission intégrale, un hayon arrière, et sa silhouette est bien entendu résolument bicorps. À ce propos, n’est-il pas singulier de constater que cette dernière caractéristique ne choque personne sur une Range Rover, alors que bon nombre de petrolheads ne parviennent pas à la tolérer de la part d’une Rolls-Royce ? Tout est dans la manière : abrupt, massif, irréfutable, le profil du Cullinan, son faciès hiératique, sa poupe trapue impressionnent davantage qu’ils ne séduisent les hédonistes hantés par la nostalgie du classicisme, des Land Rover crottées habituées des chemins creux, des vieux breaks Volvo perdus dans la lande écossaise ou des shooting brakes façon Lynx Eventer. Autant de remugles d’avant-hier, me rétorquerez-vous – et vous n’aurez pas tort. Les breaks de chasse ont disparu, Volvo se contente d’assembler des déplaçoirs à pile et le Defender a perdu sa géniale rusticité pour devenir (lui aussi) un vulgaire objet de luxe.

La parole est à la défense

Au vrai, rien ne vous empêche de célébrer le passé : je connais des gens dont le garage recèle à la fois une Bentley Turbo R et une Range Rover Vogue 3,9 litres. Le plus souvent, les partisans de la modernité ricanent à l’évocation de tels scénarios. C’est qu’ils détiennent la synthèse ultime : une berline de luxe et un SUV réunis dans la même auto, et sans les emmerdements potentiels d’une vieille anglaise capricieuse – car, en substance, le Cullinan n’est rien d’autre qu’une Phantom rhabillée. Pour avoir vécu à bord des deux modèles (que voulez-vous, on a les distractions qu’on peut), les sensations y sont rigoureusement identiques pour le conducteur comme pour ses passagers. On est juste assis un peu plus haut, ce qui s’oublie vite, car il y a beaucoup à dire sur la magistrale démonstration de savoir-faire technique que les ingénieurs BM… euh, pardon, Rolls-Royce ont su mettre en œuvre. Ainsi, par sa capacité proprement inouïe à vous isoler du monde extérieur, par son niveau de confort postural et acoustique, par le luxe capiteux de ses aménagements, le Cullinan est indéniablement une vraie Rolls, que l’on apprécie sa physionomie ou non. S’y ajoute – ingénierie germanique oblige – une forme de brutalité dans l’expression de la puissance qui, quant à elle et malgré les 2,6 tonnes de l’auto, s’exprime dans un style plus munichois que londonien. Toutefois, et pour être tout à fait franc, il faut savoir garder la tête froide pour ne pas céder à la séduction ambiguë que l’objet sait provoquer, car il est possible de prendre du plaisir au volant du mastodonte, et pas seulement à cause des fragrances du cuir ou de la satisfaction intellectuelle de tenir la puissance d’un V12 de 571 ch à la merci de son pied droit. Je l’avoue, j’ai donc éprouvé quelques regrets en rendant son Cullinan à son propriétaire légitime et, en conclusion, si je ne suis pas sûr que j’imiterais son choix, à présent je le comprends davantage !

rolls-royce-cullinan-rolls-royce-cullinan-suv-hd-wallpaper-b38a239ab8f53c5d1892fe2341382251.jpg
6750 cm3Cylindrée
571 chPuissance
250 km/hVmax
rolls-royce-cullinan-rolls-royce-cullinan-suv-hd-wallpaper-e4dcf4c826136422b13dc1ab8773e416.jpg
cullinan-rolls-royce-wallpaper-d17047a9168c3359231b121bd65ed505.jpg
rolls-royce-cullinan-rolls-royce-cullinan-suv-hd-wallpaper-269f3ed6adc5dfd18adc1c76105944c2.jpg
rolls-royce-cullinan-4k-2018-wallpaper-d184fe83a29b63bd4559c444d53a4702-scaled.jpg
cullinan-rolls-royce-wallpaper-c1d047f906dc0389735b625bb63e7545.jpg
Nicolas Fourny

Nicolas Fourny

Nicolas Fourny est rédacteur indépendant pour Car Jager, diplômé de l'ESJ Paris (École Supérieure de Journalisme). Passionné par l'automobile sous toutes ses formes, il explore le passé et le présent des plus grandes mécaniques avec une plume exigeante et documentée. Nicolas met son expérience journalistique au service d'une écriture à la fois précise, évocatrice et fiable. Chaque article est le fruit d'une recherche approfondie et d'un regard passionné, porté par une connaissance fine de l'histoire automobile. Rigueur, style et curiosité guident son travail, dans une quête permanente de justesse éditoriale, au service des lecteurs exigeants et des passionnés.

Autos similaires en vente

Rolls-royce Silver Cloud I
Rolls-royce Silver Cloud I
Rolls-royce Silver Cloud I
Rolls-royce Silver Cloud I
Rolls-royce Silver Cloud I
Rolls-royce Silver Shadow
Rolls-royce Silver Shadow
Rolls-royce Silver Shadow
Rolls-royce Silver Shadow
Rolls-royce Silver Shadow
Rolls-royce Silver Cloud I By H.j. Mulliner
Rolls-royce Silver Cloud I By H.j. Mulliner
Rolls-royce Silver Cloud I By H.j. Mulliner
Rolls-royce Silver Cloud I By H.j. Mulliner
Rolls-royce Silver Cloud I By H.j. Mulliner
Rolls-royce Silver Cloud I Lwb
Rolls-royce Silver Cloud I Lwb
Rolls-royce Silver Cloud I Lwb
Rolls-royce Silver Cloud I Lwb
Rolls-royce Silver Cloud I Lwb

Carjager vous recommande

Nicolas Fourny / 12 nov. 2025

Rolls-Royce Phantom VI : noblesse oblige !

« La Phantom se vit de préférence depuis le somptueux petit salon que constituent les places arrière, c’est-à-dire là où l’on peut réellement profiter de l’empattement extra-long de l’engin »
Anglaise
Classic
Rolls Royce
Nicolas Fourny / 12 nov. 2025

Rolls-Royce Phantom "Goldfinger" : soixante ans de légende

« Construite sur la base de la Phantom Extended, l’auto recèle de nombreux clins d’œil et références au film, à commencer par son bicolorisme noir/jaune »
Phantom
Rolls Royce
V12
Nicolas Fourny / 12 nov. 2025

Rolls-Royce ou Bentley, le long dilemme de l'aristocratie

« Les Bentley étaient nées pour la course, contrairement aux Rolls-Royce, qui exaltaient surtout les vertus du silence, du raffinement et du confort »
Anglaise
Bentley
Classic
Nicolas Fourny / 12 nov. 2025

La Rolls-Royce de Steve McQueen : mieux qu'une Corniche !

Si l’on s’en tient à la traduction du vocabulaire officiel du constructeur, cette 2-door Saloon ne serait donc qu’une banale berline deux portes mais il suffit de contempler l’objet pour comprendre que la voiture a, bien au contraire, fait l’objet d’une étude spécifique ; ce n’est certainement pas l’une de ces Rolls dont on délègue la conduite à un chauffeur.
Anglaise
Classic
Corniche
Nicolas Fourny / 12 nov. 2025

Rolls-Royce Camargue : elle est belle (et vous ne le saviez pas)

Cinq cent trente et un exemplaires en onze ans : à côté de la Camargue, la Renault Avantime ou la Cadillac XLR font figure de best-sellers. À notre connaissance, aucune étude sociologique n’a été menée sur le profil des amateurs du modèle ; qui étaient ces gens ? Des frimeurs ? Des parvenus ? Des masochistes ? Des provocateurs ? Des aveugles ? Des snobs ? Des émirs ? Ou, plus simplement, des hurluberlus qui ont sincèrement adoré ce profil de Fiat 130 superlative, l’extrême rareté de l’objet, voire même l’idée simple et magistrale que le modèle sommital de la firme la plus réputée au monde ne pouvait qu’être un chef-d’œuvre. Nous ne tenterons pas d’apporter une réponse définitive à cette question mais, trente-cinq ans après sa disparition officielle du catalogue R-R, le moment semble venu de dépecer l’animal, d’explorer ses viscères, de lui ôter tous ses masques pour en révéler la splendeur. Vous en doutez ? Lisez donc ce qui suit…
Anglaise
Camargue
Classic
Carjager / 12 nov. 2025

Rolls-Royce Silver Dawn : de la haute couture au prêt-à-porter

Aujourd’hui, les Rolls ne sont plus du tout Silver — au charme aristocratique de ce préfixe officiellement utilisé pour la première fois en 1925, elles préfèrent dorénavant la vulgarité du bling bling. La filiale de BMW s’est spécialisée dans les paquebots lourdingues pour nouveaux riches tout en exhumant d’anciennes appellations du glorieux catalogue sur lequel les Bavarois ont mis la main en 1998, à l’issue d’une bataille homérique contre le groupe Volkswagen. De la sorte, le beau nom de Dawn (l’aube en français) désigne actuellement un cabriolet dont l’encombrement et le design rappellent fâcheusement ceux d’un Saviem VAB mais, il y a sept décennies de cela, les choses étaient bien différentes ; la berline Silver Dawn dissimulait son luxe derrière une physionomie qu’un esprit superficiel pourrait facilement trouver austère et guindée. Ce qui n’empêcha pas les carrossiers ayant survécu à la guerre d’exercer leur art sur ce châssis que la flamboyante épopée des Silver Cloud a injustement expulsé de la mémoire collective. Puissent ces quelques lignes contribuer à le ramener dans la lumière…
Anglaise
Classic
Rolls Royce
Paul Clément-Collin / 12 nov. 2025

Rolls-Royce Silver Cloud : entre tradition et rock’n roll

Nuage d’argent : voilà le nom de la nouvelle Rolls-Royce présentée en 1955, la même année que la Citroën DS. Mais si cette dernière défriche des horizons technologiques et stylistiques nouveaux, la Silver Cloud, elle, reste sur son nuage, prônant l’immuabilité et la tradition. Châssis séparé, moteur antédiluvien (enfin, d’avant-guerre surtout), mais une carrosserie (d’usine) statutaire plutôt moderne qui ferait passer la Silver Dawn qu’elle remplace pour une antiquité. C’est là toute la force de la Silver Cloud : paraître moderne sans l’être. Retour sur cette luxueuse berline à la mode de Crewe !
Rolls Royce
Silver
V8
Paul Clément-Collin / 12 nov. 2025

Rolls-Royce Corniche : une certaine idée du grand luxe

Qui n’a jamais rêvé d’un jour poser son royal fessier sur les sièges d’une Rolls-Royce Corniche ? Même sans développer une passion sans borne pour la marque britannique, on ne peut qu’apprécier ce monument du luxe et de l’automobile à sa juste valeur. Car c’est bien la qualité première de cette déclinaison cabriolet (mais aussi coupé à ses débuts) de la Silver Shadow : elle est le symbole de la réussite par excellence, un symbole dont la production dura près de 30 ans et qui fut souvent parmi les voitures les plus chères du monde.
Anglaise
Classic
Corniche

Vendre avec CarJager ?

Voir toutes nos offres de vente