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PARLEZ-NOUS D'ELLE

Le Rolls-Royce Cullinan est-il cool ?

Nicolas Fourny - 2 avr. 2024

« Par sa capacité à vous isoler du monde extérieur, par le luxe capiteux de ses aménagements, le Cullinan est indéniablement une vraie Rolls, que l’on apprécie sa physionomie ou non »

Depuis sa présentation en 2018, et à l’instar du Bentley Bentayga, le Cullinan suscite la polémique, celle-ci se nourrissant de multiples assertions tantôt sincères, tantôt provocatrices. « Ce n’est pas une vraie Rolls », « C’est laid », « C’est vulgaire », « C’est une bagnole de footballeur ou d’oligarque », « Cela ne vaut pas une Range Rover », « Même la FSO Polonez est mieux dessinée que ce truc », j’en passe et des meilleures. Commercialement en tout cas, la pertinence de l’engin ne se discute pas : en 2023, il s’est encore une fois agi du modèle le plus vendu de la marque. Philosophiquement, c’est une autre affaire – mais il est vrai que les Rolls-Royce contemporaines (c’est-à-dire celles qui ont été conçues sous l’égide de BMW) ne sont pas des automobiles consensuelles, bien des amoureux de la marque leur reprochant, pour parler par euphémisme, un certain manque de finesse esthétique et un luxe trop tapageur à certains égards. Pour autant, la clientèle visée, quant à elle, ne s’intéresse que très modérément à ces considérations. Cela devrait-il inciter les puristes à réexaminer leurs sentiments vis-à-vis du premier SUV frappé du double R ?

Orgueil et préjugés

L’auteur de ces lignes doit le confesser : instinctivement, je n’ai jamais beaucoup aimé cette auto mais, comme chacun sait, réfléchir c’est penser contre soi-même et il est toujours utile de mettre ses convictions à l’épreuve du réel. C’est ainsi que, de façon inattendue, je me suis retrouvé pour quelques heures au volant d’un Cullinan, en m’efforçant de laisser mes préjugés au vestiaire et d’adapter mes réflexes de vieux boomer au monde actuel – celui où, rappelons-le, les SUV représentent désormais la moitié des ventes en Europe, tous segments de marché confondus, des marques les plus populaires aux plus prestigieuses, couvrant de la sorte un spectre concurrentiel absolument inédit depuis l’après-guerre. De Dacia à Lamborghini, presque tout le monde s’y est mis et il ne faut pas longtemps pour énumérer les constructeurs ne comptant aucun modèle de ce type dans leur catalogue – même Lotus, victime d’une stratégie funeste, y a succombé. Ce phénomène est sans précédent ; par exemple, avant la déferlante des SUV, crossovers et apparentés, nous avions connu l’ère des monospaces – mais, en ce temps-là, ni Porsche, ni Ferrari, ni Aston Martin ni aucune autre marque de ce calibre n’avaient éprouvé le besoin de livrer leur interprétation d’un concept apparu presque simultanément chez les constructeurs de masse que sont Chrysler et Renault. Au demeurant, il est intéressant de noter que la clientèle actuelle des SUV généralistes correspond à peu près à celle qui achetait des monospaces à tour de bras il y a vingt ans ; en revanche, pour un constructeur comme Rolls-Royce, il n’existe évidemment aucune antériorité de ce point de vue. Alors, comment expliquer le succès d’une machine aussi incongrue que le Cullinan ?

Mieux qu’une Range Rover ?

Incongrue, oui – car, pour qui connaît l’histoire de Rolls, firme censée, depuis 120 ans, produire les « meilleures voitures du monde » et qui est à l’industrie automobile ce que les Windsor sont à l’aristocratie, même un break eût été strictement inenvisageable il y a encore dix ans ; alors, un SUV, vous pensez… Tout au long du XXe siècle, Rolls-Royce a proposé des berlines, des limousines, des cabriolets, des coupés et, si vous souhaitiez quelque chose de plus original, il fallait vous tourner vers des artisans comme Harold Radford ou Robert Jankel, toujours prêts à réaliser des conversions plus ou moins heureuses sur le plan esthétique mais qui présentaient le précieux avantage de l’exclusivité, cette considération l’emportant d’ailleurs très nettement sur des notions plus triviales telles que la capacité d’emport ou la charge utile, réservée aux propriétaires de breaks Opel Rekord ou Peugeot 504. Et puis, bien sûr, à partir de 1970 une certaine Range Rover a brillamment démontré que les performances et le confort n’étaient pas incompatibles avec la polyvalence d’usage et de réelles capacités en tout-terrain, l’engin devenant de surcroît de plus en plus luxueux au fil des millésimes et des générations, à tel point que son itération contemporaine rivalise sans peine avec des berlines comme la Mercedes-Maybach Classe S. Feue la reine Elizabeth II ne cachait d’ailleurs pas son attachement personnel pour sa Range L322, qu’elle conduisait volontiers elle-même et semblait préférer aux berlines Rolls, Jaguar ou Bentley qui encombraient ses garages… Toujours est-il qu’à partir de la fin des années 1990, les Allemands ont suivi l’exemple de la voiture britannique et la BMW X5 ou la Porsche Cayenne ont amorcé une irrésistible montée en gamme dont le Cullinan constitue l’apogée.

La parole est à l’accusation

Naturellement, personne n’a besoin d’un Cullinan – mais, après tout, on peut en dire autant des Ghost et Phantom qui complètent le catalogue R-R actuel, voire même de n’importe quel objet de luxe, le luxe étant par essence inutile. Chez Rolls comme ailleurs, le marketing s’avère redoutablement doué lorsqu’il s’agit de fabriquer de l’envie en partant de rien ou en surfant sur un effet de mode (ce qui, en définitive, revient au même). L’immense majorité des SUV qui peuplent nos routes ne quittant pour ainsi dire jamais le goudron, la plupart des conducteurs d’Aston Martin DBX ou de Citroën C3 Aircross n’ont pas l’usage de la garde au sol plus ou moins rehaussée que ces modèles arborent pourtant comme un brevet destiné à démontrer leurs capacités à vivre des aventures hypothétiques. Il en va de même pour le Cullinan, qui culmine à 1,83 mètre là où une Phantom – dont le gabarit est pourtant fort respectable – ne dépasse pas les 165 centimètres. Le SUV Rolls (je frissonne presque en écrivant ces mots) coche donc consciencieusement toutes les cases de la tribu qu’il couronne : il y a une transmission intégrale, un hayon arrière, et sa silhouette est bien entendu résolument bicorps. À ce propos, n’est-il pas singulier de constater que cette dernière caractéristique ne choque personne sur une Range Rover, alors que bon nombre de petrolheads ne parviennent pas à la tolérer de la part d’une Rolls-Royce ? Tout est dans la manière : abrupt, massif, irréfutable, le profil du Cullinan, son faciès hiératique, sa poupe trapue impressionnent davantage qu’ils ne séduisent les hédonistes hantés par la nostalgie du classicisme, des Land Rover crottées habituées des chemins creux, des vieux breaks Volvo perdus dans la lande écossaise ou des shooting brakes façon Lynx Eventer. Autant de remugles d’avant-hier, me rétorquerez-vous – et vous n’aurez pas tort. Les breaks de chasse ont disparu, Volvo se contente d’assembler des déplaçoirs à pile et le Defender a perdu sa géniale rusticité pour devenir (lui aussi) un vulgaire objet de luxe.

La parole est à la défense

Au vrai, rien ne vous empêche de célébrer le passé : je connais des gens dont le garage recèle à la fois une Bentley Turbo R et une Range Rover Vogue 3,9 litres. Le plus souvent, les partisans de la modernité ricanent à l’évocation de tels scénarios. C’est qu’ils détiennent la synthèse ultime : une berline de luxe et un SUV réunis dans la même auto, et sans les emmerdements potentiels d’une vieille anglaise capricieuse – car, en substance, le Cullinan n’est rien d’autre qu’une Phantom rhabillée. Pour avoir vécu à bord des deux modèles (que voulez-vous, on a les distractions qu’on peut), les sensations y sont rigoureusement identiques pour le conducteur comme pour ses passagers. On est juste assis un peu plus haut, ce qui s’oublie vite, car il y a beaucoup à dire sur la magistrale démonstration de savoir-faire technique que les ingénieurs BM… euh, pardon, Rolls-Royce ont su mettre en œuvre. Ainsi, par sa capacité proprement inouïe à vous isoler du monde extérieur, par son niveau de confort postural et acoustique, par le luxe capiteux de ses aménagements, le Cullinan est indéniablement une vraie Rolls, que l’on apprécie sa physionomie ou non. S’y ajoute – ingénierie germanique oblige – une forme de brutalité dans l’expression de la puissance qui, quant à elle et malgré les 2,6 tonnes de l’auto, s’exprime dans un style plus munichois que londonien. Toutefois, et pour être tout à fait franc, il faut savoir garder la tête froide pour ne pas céder à la séduction ambiguë que l’objet sait provoquer, car il est possible de prendre du plaisir au volant du mastodonte, et pas seulement à cause des fragrances du cuir ou de la satisfaction intellectuelle de tenir la puissance d’un V12 de 571 ch à la merci de son pied droit. Je l’avoue, j’ai donc éprouvé quelques regrets en rendant son Cullinan à son propriétaire légitime et, en conclusion, si je ne suis pas sûr que j’imiterais son choix, à présent je le comprends davantage !

6750 cm3Cylindrée
571 chPuissance
250 km/hVmax



Texte : Nicolas Fourny

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